Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/52

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batailles de sang et d’or. Je n’eus pas de confidents. Personne ne sait ma pensée, et j’en éprouve une joie étrange. Aujourd’hui,j’ai tué de beaux rois. Des hameaux flamboyèrent comme des torches de paille. L’orage des grandes guerres souffle aux plaines grondeuses. Cependant chacun me sourit comme au plus tendre ou au pire ! — Des pirates simulent mes exploits. Patrocle et Hercule me connaissent, ils portent de puissantes piques glacées qui tonnent sur les bœufs, le poitrail des bètes ! — Et ensuite je me suis senti tourmenté d’affreuses innocences.

Frémissant de telles émotions, la beauté harmonieuse du monde m’a échappé. Mon âme se recule aux forêts de fièvre ! — De noires luxures consument mes songes d’enfance, je vécus sans sécurité. — O l’auberge cramoisie et basse au bord du fleuve, l’été et les glaces, les charrettes lourdes dont les roues broient du sable ! — Je me souviens quand certaines nuits, j’épiai le retour de l’aurore. Embusqué derrière la fenêtre ou le sombre arceau d’une tonnelle, je guette, palpitant d’anxiété. Dès qu’elle m’aperçoit, j’ai peur de mourir. Mon cœur frémit comme un pays qui flambe. Elle vient, làbas, ah ! qu’elle est belle ! — D’abord elle éclaire la colline. Sa face m’éblouit, souriante d’une pure carnation d’or. Elle gronde dans le tonnerre des coquelicots. Des liserons sonnent et uncoq luit. — Rougissants, les bois se tournent vers l’été. Des bœufs piétinent la boue, les joncs. — Tumulte aux basses-cours, parmi l’herbe, le bourg ! — Voici, l’aurore frappe à ma porte. Ouvriraije ? Hélas ! aux cailloux du mur elle aiguise, affûte ses lumières. Terreur ! crime et amour ! De rouges