Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/58

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je fréquente de riches personnages. Ceux de la vigne, les menuisiers, le forgeron. On me salue quand je passe dans la rue ! Des torches de hauts glaïeuls brûlent la futaie. L’étal du boucher présente des bêtes rouges, et on respire une âpre odeur de sang. Au printemps la fête assemblait des rires. Joyeuses et noires des cloches sonnaient, continuement. .Sous -la dure lumière de la lune, le fleuve par instant miroitait. Auprès des berges blanchies, l’apathie des „ grandes péniches brunes semble une somnolence de poissons flottants. Des joncs brillaient, pesants d’éclat ! Les reflets des herbes fleurissent sur l’eau mate. Le printemps chantait, gai et vert.’

Ce lieu favorise ma méditation. Peu à peu, je me pressentis. Il me fut donc loisible enfin d’aller, tranquillement, dans les champs. Je cueillis d’énormes coquelicots sans m’enflammer à leur contact, et je cessai, l’hiver venu, de craindre, éperdu, l’imminent •déluge. La froide concavité des bois m’a abrité. Je souris au soleil levant. — Ah ! l’embrasser sur ses bonnes joues, bien pudibondes ! — Le ciel était si ,doux, si pur ! — On rit et on dort dans les menthes. Quelqu’un chuchote derrière le mur. Solides, de brillantes guirlandes y entrechoquent leurs roses fortes. Des petites filles forment la ronde sur le pré. Voilà des souvenirs solennels !

O jeunesse, triste ivresse des jours ! Dites mon père, ma mère, toi l’aube bénévole, les coriaces coquelicots du parc, le menuisier et les oiseaux, ah ! vous tous, n’est-ce pas, aimez-moi !