Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/101

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L’Esprit des Fleurs


 

Sylphe léger, fils des molles rosées,
J’aime à bondir sur les gazons en fleurs,
Et l’arc-en-ciel aux teintes irisées
Fait à mon front chatoyer ses couleurs ;
Sur un brin d’herbe, en passant, je me pose,
Et, sous mes pieds, bourdonnent les sillons ;
J’ai, pour tunique, une feuille de rose,
J’ai, pour voler, l’aile des papillons.

Quand du matin glissent les brises folles,
Dès que l’oiseau commence ses chansons,
Avec mes doigts, j’entr’ouvre les corolles,
Et doucement j’éveille les buissons :
« Debout ! debout !… » Tout frémit, et la plaine,
Et le lac bleu dont je rase ! e bord
Avec mon char de roseaux verts qu’entraîne
Un scarabée à la cuirasse d’or.

« Debout ! debout !… » Les sveltes demoiselles
Dansent en rond sur les blancs nénufars,
Au grand soleil bruissent mes deux ailes,
Aux flots d’azur se plongent mes regards.