Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/145

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Science universelle ! immuable pensée,
A vos plus fiers sommets mon âme s’est bercée !
Et, cherchant du passé les chemins inconnus,
Sur vos rochers glissants j’ai posé mes pieds nus !
J’ai vu, j’ai vu sous moi, comme une mer qui passe,
La vie, aux mille bonds, se rouler dans l’espace,
Et, ruisselant encor des baisers maternels,
Tous les mondes sortir de ses flots éternels !
Au choc des océans, aux éclats du tonnerre,
L’être tumultueux étreignait la matière,
Tandis que, partageant les générations,
Les déluges tombaient sur les créations !

Toute forme s’en va, rien ne périt, les choses
Sont comme un sable mou, sous le reflux des causes !
La matière mobile, en proie au changement,
Dans l’espace infini flotte éternellement.
La mort est un sommeil, où, par des lois profondes,
L’être jaillit plus beau du fumier des vieux mondes !
Tout monte ainsi, tout marche au but mystérieux,
Et ce néant d’un jour, qui s’étale à nos yeux,
N’est que la chrysalide, aux invisibles trames,
D’où sortiront demain les ailes et les âmes !

Comme un germe fatal par la vague apporté,
Au bord des grandes eaux quand l’homme fut jeté,
Il roula, vagissant, sur la plage inconnue.
La pluie aux flots glacés inondait sa peau nue,