Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/32

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Dès que Dieu, sous le ciel sombre,
Rallume ses astres d’or,
Les flots écoutent, dans l’ombre,
Si le petit enfant dort.

Ton cri qu’on pourrait entendre
Au fond de l’abîme amer
Ferait venir pour te prendre,
Les grands poissons de la mer !

Ils ont des écailles bleues,
Des yeux ronds, ouverts toujours,
Et, du revers de leurs queues,
Font couler les vaisseaux lourds.

Ils viendraient, au clair de lune,
Se traînant sur le galet,
Frotter leur narine brune
À la barre du volet…

Puis, malgré ta voix timide,
Par la chambre se roulant,
Quelque bête au dos humide
T’emporterait en soufflant.

Où seraient ta couche blanche.
Ton oreiller de satin,
Et ta mère qui se penche
Pour t’éveiller le matin ?…