Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/51

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Enfant aux cheveux blonds, enivrante et timide,
Femme, par la douceur, ange, par la beauté,
Dont l’âme rayonnait dans un regard humide,
Comme à travers les flots un beau soleil d’été.

Je la voyais toujours la dernière accourue
À mon chevet joyeux, où depuis j’ai pleuré ;
Quand fuyait de ses sœurs la troupe disparue,
Elle disait : « Enfant, c’est moi qui t’aimerai !

« C’est moi qui t’aimerai, par les sentiers du monde !
Moi, qui consolerai ton cœur, dans le chemin !… »
Et, tous deux, à la classe où la tristesse abonde,
Nous descendions légers et la main dans la main.

Bientôt tout frémissait — vision fantastique —
Livres, plumes, papiers, travaux de chaque jour,
Et du cahier qui tremble, et du poème antique
Sortaient de jeunes voix qui me parlaient d’amour.

Enfant, elle courait dans les vers de Virgile,
Comme dans les sentiers pleins d’oiseaux et de fleurs,
Et nous cherchions, au fond de l’amoureuse idylle,
Un vieux chêne ignoré pour y cacher nos pleurs.

Là nous causions tout bas, là mes mains inquiètes
En de riants tableaux ébauchaient l’avenir,
Je dressais des villas et de belles retraites
Où, le soir, en rêvant, je l’écoutais venir.