Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/52

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Si bien que j’oubliais et le thème et la classe,
Et quand sonnait la cloche à l’appel argentin,
Le vieux maître disait, bondissant à sa place :
« Oh ! l’enfant paresseux qui dort sur son latin ! »


II


Maintenant, j’ai connu, j’ai vu, je sais le monde ;
Les fantômes menteurs se sont évanouis,
Je n’ai plus, dans la nuit, de troupe vagabonde
Qui verse à mon sommeil ses rêves inouïs.

L’odalisque est trop loin, la villa n’a pas d’hôte.
Dans la chambre à Paris, l’amour n’est pas venu,
Aucune femme encor, me suivant côte à côte,
N’a soutenu mon pas, sur les chemins perdu.

Pourtant j’ai rencontré la vierge au doux visage,
La vierge aux cheveux blonds, qui n’a pas oublié.
Toujours, j’ai vu son ombre, à l’heure du naufrage,
Toujours son cœur fidèle, à mes destins lié.

C’était vous ! c’était vous ! ô ma muse ingénue !
Bel ange aux rameaux verts, nymphe au cothurne d’or,
Ô vous qui, réchauffant mon âme froide et nue,
M’avez bercé, le soir, comme un enfant qui dort.