Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/57

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« Heureux les morts qu’un vent d’orage
Plonge au fond des gouffres salés,
Et qui s’en vont, de plage en plage,
Reluisants, verdis et gonflés !

« Heureux trois fois ceux qu’on enterre,
Tout nus, dans les sables mouvants,
Et dont le corps tombe en poussière
Qui tourbillonne aux quatre vents !

« Ils vivront ! ils verront encore,
À la nature se mêlant,
Les frissons roses de l’aurore
Sur le lit bleu du ciel brûlant.

« Et, sous des formes inconnues,
Oublieux du néant glacé,
Ils secoûront au vent des nues
Les cendres noires du passé.

« Hélas ! hélas ! la destinée
M’accablant d’honneurs importuns,
Garde ma forme emprisonnée
Dans l’éternité des parfums.

« Mon cercueil, sous la crypte blanche,
Ne tient plus à ses clous d’airain,
Et les vers ont troué la planche,
Comme un crible à passer du grain.