Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/59

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« Nous t’emporterons par les plaines,
Nous te bercerons à la fois,
Dans le murmure des fontaines,
Et le bruissement des bois.

« Viens !… la nature universelle
Cherche, peut-être, en ce tombeau,
Pour le soleil, une étincelle,
Pour la mer, une goutte d’eau

« Alors, me réveillant dans l’ombre,
Je roidis mes membres perclus.
Sous les bandelettes sans nombre
Mes pieds maigres ne marchent plus.

« Et, dans ma tombe impérissable,
Je sens venir avec effroi,
Les siècles lourds comme du sable
Qui s’amoncelle autour de moi.

« Ah ! sois maudite, race impie,
Qui de l’être arrêtant l’essor
Gardes ta laideur assoupie
Dans la vanité de la mort !

« Un jour, les peuples de la terre
Brisant ton sépulcre fermé,
Te retrouveront tout entière,
Comme un grain qui n’a pas germé.