Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/166

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Dans tes jardins, ô roi, les panthères en troupes
À côté des lions dorment sous le soleil ;
D’immenses aloès tendent, comme des coupes,
Aux pithons monstrueux, leur calice vermeil ;

Et quand, parfois armé de tes plus sûrs dictames,
Tu veux de ton empire explorer les détours,
Ton char sombre est conduit par des hippopotames
Dont on entend ronfler la narine aux poils courts.

Tu vas ; sur ton chemin, bondissent les gazelles ;
Le tigre, en miaulant, vient lécher ton pied noir ;
Les pélicans goîtreux, avec leurs lourdes ailes,
Du haut des cieux profonds descendent pour te voir.

Et pour te voir aussi, levant leurs fronts difformes,
Les crocodiles verts et les grands lézards mous
Coulent entre les pieds des éléphants énormes,
Hideux torrent d’écaille, aux sinistres remous !

Mais toi, silencieux comme la destinée,
Tu passes ― étendu sur ton lit de roseaux ―
Sans retourner jamais ta tête couronnée
De coquillages blancs et de plumes d’oiseaux !