Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/50

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Or, un soir qu’il marchait avec ses capitaines,
Incliné sous ce poids de l’avenir humain,
Il aperçut, au fond des brumes incertaines,
Un vieux temple isolé, sur le bord d’un chemin ;

Un vieux temple isolé, plein de mornes visages,
Un de ces noirs débris, au souvenir amer,
Qui dorment échoués sur la grève des âges,
Quand les religions baissent comme la mer.

Le seuil croulait ; la pluie avait rongé la porte ;
Toute la lune entrait par les toits crevassés.
Au milieu de la route, il quitta son escorte,
Et s’avança, pensif, au long des murs glacés.

Les colonnes de marbre, à ses pieds, abattues,
Jonchaient de toutes parts les pavés précieux ;
L’herbe haute montait au ventre des statues,
Des cigognes rêvaient sur l’épaule des dieux.

Parfois, dans le silence, éclatait un bruit d’aile,
On entendait, au loin, comme un frisson courir ;
Et, sur les grands vaincus penchant son front fidèle,
Phoebé, froide comme eux, les regardait mourir.