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770 ÉLÉMENTS DE L’ART HÉRALDIQUE.


ces souvenirs religieux et guerriers tout à la fois, on ajoute celui des tournois, joutes, pas d’armes et autres exercices dans lesquels se complaisait la noblesse, les allusions aux événements mémorables ei aux actions d’éclat auxquels elle prenait part, les droits honorifiques, les dignités, emplois et fiefs qu’elle possédait, les noms de famille et surnoms, au moyen d’allusions plus ou moins directes, se rapportant à leur signification apparente ou réelle ; si on réunit toutes ces origines, on aura, à peu de chose près, les sources auxquelles les nobles et les héraldistes de tous les temps ont dû puiser pour composer et meubler les écus armoriés. Les devises, les cris de guerre, les supports n’ont pas non plus d’autre origine.

Le blason devient une science. Les écus blasonnés deviennent communs vers le milieu du xiie siècle ; mais les armoiries ne sont un peu stables qu’au xiiie siècle. À la fin du règne de saint Louis, elles commencent à se fixer définitivement. Bientôt on voit paraître les premiers traités de blason ; chaque auteur apporte une nouvelle règle à l’art nouveau. On raconte que le roi Jean prenait beaucoup de plaisir à cette science, ce qui fit qu’on s’y appliqua sous son règne et qu’elle fit des progrès. Sous les rois ses successeurs, ce goût du blason se répandit à tel point que presque tous les écrivains du temps en émaillent leurs écrits. Froissart, Monstrelet, Olivier de la Marche en ornent leurs chroniques. Les anciens romans de chevalerie sont remplis de descriptions d’armoiries de fantaisie attribuées à des héros imaginaires. L’art héraldique a, dès lors, un code et un vocabulaire qui lui sont propres, des signes et des symboles qui lui appartiennent. De même que ses règles, exposées plus bas, sont invariables, de même ses figures ont, pour la plupart, des formes conventionnelles que leur ont données les anciens peintres héraldistes ; elles s’éloignent quelquefois de la réalité, mais elles doivent être conservées comme traditionnelles.

Définition. Le blason est l’art de connaître et de décrire méthodiquement les armoiries. On lui donne aussi le nom d’art héraldique, parce qu’une des fonctions des hérauts d’armes consistait à lire à haute voix les armoiries des chevaliers qui se présentaient aux lices des tournois ; c’est ce que l’on appelait blasonner[1].

Principes généraux. Les principaux éléments du blason consistent dans la connaissance de Vécu, des émaux (métaux, couleurs, fourrures), des pièces ou meubles, des brisures et des ornements extérieurs. Une règle, qui souffre peu d’exceptions, prescrit de ne jamais poser métal sur métal, couleur sur couleur, fourrure sur fourrure. Les autres règles seront développées successivement.

Écu[2]. L’écu n’est autre chose que le bouclier qui, destiné d’abord à préserver l’homme de guerre des coups de l’ennemi, servit plus tard à faire connaître les belles actions dont pouvait s’honorer son possesseur. La peinture et la sculpture furent appelées à les y représenter ; le bouclier devint une page d’histoire, une sorte de brevet d’honneur que le titulaire portait toujours avec lui. Bientôt la dimension du bouclier ne suffit plus pour contenir l’énumération des actions d’un guerrier célèbre ; on se servit alors d’emblèmes, langue dont chaque caractère est un fait, chaque terme un récit.

L’écu d’armoiries est le champ qui représente le bouclier, la cotte d’armes, ou la bannière sur lesquels les figures allégoriques étaient reproduites. Il est simple ou composé. Il est simple ou plein lorsqu’il est rempli d’un seul émail ; on dit alors d’or plein, de gueules plein, etc. L’écu composé a plusieurs émaux et par conséquent plusieurs partitions. Deux écus qui se touchent par le bord sont dits écus accollés.

Formes de l’écu. L’écu français est un carré long, arrondi aux deux angles inférieurs et terminé en pointe au milieu de sa base ; l’écu ancien était triangulaire ; on le posait incliné ; il est ainsi figuré sur les anciens sceaux ; c’est de cette manière qu’on le suspendait aux tribunes des lices dans les tournois ; Vécu en bannière était de forme entièrement cil-fée, et généralement en usage parmi les seigneurs qui avaient le droit de bannière à l’armée, et notamment parmi les bannerets de Guienne, de Poitou et de Bretagne. — Écus étrangers : les Anglais ont adopté l’écu français en l’évasant vers la partie supérieure. L’écu allemand est de forme variée, mais reconnaissable à l’échancrure à dextre qui servait aux chevaliers à supporter la lance. Les Espagnols portent l’écu français arrondi par le bas. L’écu italien est ovale en souvenir des ancilles romains qui, selon la tradition, avaient cette forme, qui a été adoptée en France par les ecclésiastiques. Les Russes ont pris aussi la forme ovale.

Partitions. Ce sont les divisions de l’écu résultant des lignes qui divisent le champ en plusieurs sections. Elles sont au nombre de quatre, savoir : le parti, le coupé, le tranché et le taillé. Le parti est formé par une ligne perpendiculaire qui partage l’écu en deux parties égales, dextre et senestre. Le coupé divise aussi l’écu en deux parties égales, mais par une ligne horizontale. Le tranché est formé par une ligne diagonale tirée de dextre à senestre. Le taillé par une diagonale de senestre à dextre.

De ces quatre partitions dérivent les autres divisions de l’écu, nommées répartitions ; savoir : le tiercé, formé du parti, ou du coupé, ou du taillé, ou du tranché, répété deux fois ; l’écartelé, formé du parti et du coupé combinés ensemble ; l’écartelé en sautoir, formé par le tranché et le taillé ; le gironné, combinaison du parti, du coupé, du tranché et du taillé.

Les quartiers servent à distinguer les alliances des familles et s’obtiennent par la subdivision de l’écartelé. L’écu parti de 1, coupé de 2, donne 6 quartiers ; parti de 3, coupé de 1, donne 8 quartiers ; parti de 4, coupé de 1, donne 1 quartiers ; parti de 3, coupé de 2, donne 12 quartiers ; parti de 3, coupé de 3, donne 16 quartiers ; parti de 4, coupé de 3, donne 20 quartiers ; parti de 7, coupé de 3, donne 32 quartiers. Ce dernier nombre est le plus grand dont se servent les héraldistes ; il y a cependant des exemples d’écartelures plus nombreuses.

L’écu de la famille principale se met sur le tout, en cœur ou en abyme ; ce dernier peut lui-même être chargé d’un troisième écu dit sur le tout du tout.

Positions des figures sur l’écu. On appelle positions les places ou points que peuvent occuper sur le champ de l’écu les figures ou meubles qu’on y représente ; ces positions sont au nombre de dix ; voici leurs noms : le chef qui occupe la partie supérieure de l’écu ; le point du chef ; le canton dextre du chef ; le canton senestre du chef ; le point d’honneur ; le centre de l’écu, cœur ou abyme ; le flanc dextre ; le flanc senestre ; la pointe ; le canton dextre de la pointe, et le canton senestre de la pointe.

Lorsque l’écu n’est chargé que d’une figure, elle en occupe ordinairement le centre ; dans ce cas, on ne mentionne pas en blasonnant la place où elle se trouve.

Émaux. Les couleurs employées en blason se nomment émaux. Les émaux se divisent en métaux, couleurs proprement dites et fourrures. Les métaux sont au nombre de deux : l’or, ou jaune, se figure

  1. 1. On croit que le mot blason vient de l’allemand blasen, sonner du cor, parce que l’écuyer du chevalier qui arrivait au tournoi ou le chevalier lui-même sonnait du cor pour annoncer sa venue aux hérauts d’armes ; mais cette étymologie est contestable.
  2. 2. Du latin sculum, bouclier.