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de Carloman, ses frères, auxquels il devait succéder, les seigneurs disposèrent de la couronne en faveur de l’empereur Charles le Gros. Quand celui-ci eut été déposé en 887, Charles le Simple ne fut cependant point appelé au trône, et Eudes, comte de Paris, fut élu roi. Néanmoins, Charles parvint à se faire sacrer à Reims en 893, et partagea quelque temps le trône avec Eudes. À la mort de ce seigneur (898), il resta seul roi. Incapable de résister aux Normands, il se vit contraint, par le traité de St-Clair-sur-Epte, de leur abandonner une partie de la Neustrie (Normandie), et de donner à Rollon, leur chef, la main de sa fille Gisèle, 911. Les seigneurs s’étant révoltés (922-23), à cause de la tyrannie qu’exerçait Haganon, favori du roi, Charles les combattit et tua Robert, frère du roi Eudes, qui s’était mis à leur tête ; mais il fut vaincu à son tour par Hugues le Grand, fils de Robert. Il se sauva auprès d’Herbert, comte de Vermandois ; mais celui-ci le retint prisonnier au château de Péronne, où il resta enfermé jusqu’à sa mort, en 929. Il laissait un fils connu sous le nom de Louis d’Outremer. Sous ce règne, les grands vassaux se rendirent de plus en plus indépendants.

CHARLES IV, dit le Bel, 3e fils de Philippe le Bel, né en 1294, monta sur le trône en 1322, à la mort de son frère Philippe le Long, et ajouta au titre de roi de France celui de roi de Navarre, comme héritier de Jeanne, reine de cet État. Trouvant le trésor royal épuisé par les abus du règne précédent, il punit sévèrement et dépouilla les financiers lombards qui avaient commis toutes sortes d’exactions. Il ne traita pas avec moins de rigueur les mauvais juges et les seigneurs qui s’emparaient du bien des particuliers. Charles le Bel eut avec Édouard II, roi d’Angleterre, de sanglants démêlés au sujet de l’hommage que ce prince lui devait pour la Normandie. Il eut aussi à combattre quelques seigneurs de Gascogne qui, soutenus par les Anglais, avaient fait des incursions sur le domaine de la France (1324) : cette guerre est dite la guerre des Bâtards, parce que les Gascons avaient pour chefs des bâtards de la noblesse. Charles IV n’eut que des filles, et à sa mort (1328), la couronne passa à une branche collatérale dans la personne de Philippe de Valois.

CHARLES V, dit le Sage, fils aîné du roi Jean, né en 1337, gouverna le royaume en qualité de régent pendant la captivité de son père, de 1358 à 1360, lui succéda en 1364, et mourut en 1380. Il fit la guerre avec succès à Édouard III, roi d’Angleterre, qui avait envahi la France, puis à Pierre le Cruel, roi de Castille, et força le roi de Navarre à renoncer à l’alliance d’Édouard. Témoin des malheurs causés par la captivité de son père, il s’était fait une loi de ne point commander ses troupes en personne ; il dirigeait tout du fond de son cabinet. Il eut pour généraux Olivier de Clisson, Bertrand Du Guesclin et Boucicaut, qui l’aidèrent à reconquérir presque tout le royaume. Après la victoire, il sut délivrer le royaume des Grandes Compagnies (V. ce nom), dont il avait dû accepter le secours. Charles V réunit à la couronne le Poitou, la Saintonge, le Rouergue, une portion du Limousin, le comté de Ponthieu et la Guyenne ; mais les Anglais possédaient encore à sa mort Bordeaux, Calais, Cherbourg, Bayonne et plusieurs forteresses. Il fixa la majorité des rois de France à 14 ans (1374), institua l’appel comme d’abus, créa la Chambre du Trésor, supprima des impôts onéreux, et fonda la Bibliothèque royale. Il fit construire la Bastille, établit les armées permanentes et favorisa la marine et le commerce. Sa Vie a été écrite par l’abbé de Choisy ; La Harpe a composé son Éloge.

CHARLES VI, le Bien-Aimé et l’Insensé, fils de Charles V, né en 1368, m. en 1422, reçut le Dauphiné en apanage, et succéda à son père en 1380, âgé de 12 ans, mais il ne régna par lui-même qu’à 20 ans. Il avait été marié dès l’âge de 16 ans à Isabeau de Bavière. Sa minorité fut troublée par les querelles des ducs d’Anjou, de Bourgogne, de Berry et de Bourbon, ses oncles, qui se disputaient le pouvoir ; la ville de Rouen se révolta ; dans Paris, des assassins, connus sous le nom de Maillotins, assommaient les financiers avec des maillets de fer, 1381. En 1382, Charles prit part à la bat. de Rosbecque, où Clisson battit les Flamands révoltés. En 1392, il marcha contre le duc de Bretagne qui donnait asile à l’assassin de Clisson ; mais, en traversant la forêt du Mans par un soleil ardent, il fut effrayé par une apparition subite qui lui fit perdre la raison. Pendant sa démence, on le laissa languir dans l’abandon et la misère et ses oncles reprirent la régence. La guerre civile recommença : le duc d’Orléans, frère du roi, et gendre du duc d’Armagnac, ayant été assassiné par les ordres de Jean sans Peur, duc de Bourgogne (1407), toute la France se divisa en deux partis, les Armagnacs, partisans du duc d’Orléans, et les Bourguignons, partisans du duc de Bourgogne ; quelques années après, le duc de Bourgogne fut assassiné par représailles, 1419. Henri V, roi d’Angleterre, profitant de ces troubles, avait armé contre la France : il remporta la victoire d’Azincourt (1415), et s’empara de la Normandie ; puis s’alliant, par le traité de Troyes (1420), avec le jeune duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui avait à venger le meurtre de son père, et avec la reine Isabeau elle-même, il se fit couronner roi de France (1421), après avoir épousé Catherine, fille de Charles VI. Ce malheureux prince conservait néanmoins le titre de roi : son fils (Charles VII) gouvernait en qualité de régent le peu d’États qui lui restaient.

CHARLES VII, le Victorieux, fils de Charles VI, né en 1403, gouverna quelque temps pendant la démence de son père ; mais, forcé de fuir Paris, où le parti du duc de Bourgogne avait le dessus, il se retira à Bourges (d’où les Anglais le nommèrent par dérision le Roi de Bourges). Il prit le titre de régent, soumit plusieurs villes et établit un parlement. Lorsque le duc de Bourgogne eut été assassiné (1419), Charles fut accusé de complicité dans ce meurtre, et se vit déshérité (1420). À la mort de son père (1422), il ne s’en fit pas moins reconnaître roi. Après quelques années perdues dans les plaisirs et l’oisiveté, il résolut de chasser les Anglais, et il y réussit avec l’aide de braves généraux tels que Dunois, Lahire, Xaintrailles, Barbazan, Richemont, mais surtout avec le secours miraculeux de Jeanne d’Arc. Il parcourut les provinces méridionales, s’empara de plusieurs places et obtint sur la Loire quelques succès contre les Anglais : Jeanne d’Arc les força à lever le siége d’Orléans (1429), et Charles put la même année se faire couronner à Reims. Ce prince enleva ensuite aux Anglais toutes leurs possessions en France, à l’exception de Calais (1448-1453). Paris s’était rendu de lui-même au roi en 1436. Les dernières années de Charles VII furent troublées par l’ambition de son fils (Louis XI) et par la révolte de la Praguerie, à laquelle ce prince eut la plus forte part ; frappé de la crainte d’être empoisonné par ce fils dénaturé, il se laissa mourir de faim (1461). Ce monarque gouverna avec habileté et économie ; il assura la solde et la discipline de l’armée, donna, en 1438, la Pragmatique-Sanction de Bourges, qui avait pour but de fixer les privilèges de l’église de France, réorganisa le parlement de Paris, créa ceux de Grenoble et de Toulouse, et fit réformer l’Université par le cardinal d’Estouteville. On lui reproche son faible pour les femmes : la belle Agnès Sorel posséda longtemps son amour. Jean et Alain Chartier ont écrit la Chronique de Charles VII ; Vallet de Viriville a donné son Histoire, 1863. On doit à M. Dansin des Études sur le gouvt de Ch. VII, 1856.

CHARLES VIII, dit l’Affable, fils de Louis XI, né en 1470, monta sur le trône à 13 ans, n’ayant eu d’autre éducation que la lecture des romans de chevalerie. La tutelle fut confiée à sa sœur, Anne de France, dame de Beaujeu, malgré les prétentions