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Saxe, et le force à signer le traité d’Alt-Ranstadt (1706), par lequel il renonçait à la couronne de Pologne. De la Saxe, Charles XII, à la tête d’une armée de 43 000 hommes, se dirige sur Moscou. Mais éprouvant enfin l’inconstance de la fortune, il fut battu par le czar à Pultawa (1709), et se vit réduit à chercher un asile chez les Turcs. Il se retira à Bender où il séjourna plusieurs années. Pendant son absence, Auguste remonta sur le trône de Pologne, Pierre entra en Livonie, et Frédéric, roi de Danemark, envahit la Scanie. Cependant Charles, en quelque sorte prisonnier des Turcs, suscitait la Porte contre le czar. La paix ayant été conclue entre les deux puissances, on voulut le forcer à quitter sa retraite : il se retrancha dans sa maison, s’y défendit (1713) avec quelques domestiques contre un corps d’armée, et ne se rendit que quand la maison fut en feu. Il partit enfin, et, prenant le costume d’un simple officier allemand, il traversa à cheval les États de l’empereur, et arriva après seize jours et seize nuits de marche à Stralsund (1714). Assiégé dans cette ville par une armée combinée de Danois, de Saxons, de Prussiens et de Russes, il y fit des prodiges de valeur ; mais la place ne pouvant plus tenir, il se retira à Lund en Scanie. Aidé des conseils du baron de Gœrtz, il était parvenu à rétablir ses affaires ; la Norwége était déjà en partie occupée, et la prise de la forteresse de Frédericshald allait le rendre maître du reste du pays, lorsqu’il fut tué devant cette place (1718). On croit que la balle qui le frappa partit d’une main suédoise. La fermeté, la valeur, l’amour de la justice, dominaient dans le caractère de ce prince ; mais il outra ces belles qualités et les rendit souvent funestes à ses peuples et à lui-même. À sa mort, le baron de Gœrtz, son principal ministre, fut décapité. Après lui, son pays disparut du nombre des grandes puissances. Le Dr Norberg a écrit en suédois une histoire de Charles XII qui a été trad. en français par Warmholtz. L’Histoire de Charles XII par Voltaire, bien que moins complète, n’est pas moins exacte et offre plus d’intérêt ; c’est l’un des livres les mieux écrits de notre langue.

CHARLES XIII, né en 1758, mort en 1818, était le 2e fils d’Alphonse-Frédéric. Nommé régent après l’assassinat de Gustave III, son frère (1792), il s’était retiré, à la majorité de Gustave IV, et vivait en simple particulier, lorsqu’en 1809, par suite de la révolution qui renversa le nouveau roi, il fut placé lui-même sur le trône. À son avènement il fit la paix avec la France, la Russie et le Danemark ; cependant, quelques années après, il eut à soutenir une guerre avec le Danemark au sujet de la Norwége ; il conquit cette province et l’annexa définitivement à ses États ; elle lui fut assurée après les événements de 1814. N’ayant pas d’enfants, il avait adopté pour successeur le prince de Holstein-Augustenbourg ; ce jeune prince étant mort (1810), le général français Bernadotte fut choisi pour le remplacer.

CHARLES XIV ou CHARLES-JEAN (J. B. BERNADOTTE, roi sous le nom de), né à Pau en 1764, mort en 1844, était fils d’un avocat. Il s’engagea comme simple soldat, et n’était encore que sergent-major en 1789. Après s’être distingué aux armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse, il fut proclamé, par Kléber, général de brigade sur le champ de bataille en 1794, devint peu de mois après général de division, contribua puissamment aux victoires de Fleurus et de Juliers (1794), fit capituler Maestricht et prit Altdorf (1795). Chargé en 1797 de conduire à Bonaparte en Italie 20 000 hommes de l’armée de Sambre-et-Meuse, il rivalisa d’ardeur avec le jeune général, et, quoiqu’il éprouvât peu de sympathie pour lui, soupçonnant ses desseins ambitieux, il le seconda de tout son pouvoir : il eut une part glorieuse au passage du Tagliamento, prit Gradiska, Trieste, Laybach, Idria, et vint après la campagne présenter au Directoire les drapeaux enlevés à l’ennemi. Envoyé en Autriche comme ambassadeur (1798), il y excita une émeute pour avoir arboré le drapeau tricolore, et quitta bientôt Vienne, parce qu’on lui refusait des réparations. Porté au ministère de la guerre par l’influence de Barras après le 30 prairial, il réorganisa en 2 mois (2 juillet-11 sept. 1799) les services qui étaient dans un état déplorable ; déjà il avait rappelé la victoire sous nos drapeaux quand il fut écarté par une intrigue de Sieyès. Après la révolution du 18 brumaire, à laquelle il avait refusé de concourir, il fut envoyé par les consuls dans la Vendée (1800) : il sut par ses habiles dispositions empêcher les Anglais de débarquer à Quiberon et rétablir la tranquillité dans le pays. En 1804, il reçut de Napoléon le bâton de maréchal, avec le gouvernement du Hanovre ; il forma dans ce pays un beau corps d’armée, à la tête duquel il exécuta plusieurs glorieux faits d’armes : ainsi, en 1805, il rétablit dans Munich l’électeur de Bavière, allié de la France, conquit le pays de Salzbourg, et contribua à la victoire d’Austerlitz, après laquelle il reçut la principauté de Ponte-Corvo ; en 1806, il battit les Prussiens devant Halle et à Lubeck, où il fit Blücher prisonnier ; puis, marchant sur la Pologne, passa la Vistule, occupa Elbing, Braunsberg, et défit les Russes à Mohrungen et à Spanden sur la Passarge, où il fut grièvement blessé (1807). Nommé, après sa guérison, gouverneur des villes anséatiques, et chargé d’opérer contre la Suède, il suspendit les hostilités dès qu’il eut appris qu’une révolution avait précipité du trône Gustave IV, seul hostile à la France (13 mars 1808) ; cette conduite loyale lui concilia l’estime et l’affection des Suédois, mais elle paraît avoir excité le mécontentement de Napoléon, dont elle contrariait les projets. En 1809, il commanda le 9e corps, composé en grande partie de Saxons, et contribua puissamment avec eux à la victoire de Wagram ; mais il se retira après la bataille, ne trouvant pas que l’Empereur eût dans ses bulletins rendu justice à ses troupes. Il n’en fut pas moins chargé de repousser les Anglais débarqués à Walcheren (juillet 1809) ; il accomplit en 60 jours cette difficile mission. Malgré ce nouveau succès, il se vit encore une fois privé de son commandement ; il était en disgrâce complète lorsqu’un trône lui fut offert. Élu le 20 août 1810 prince royal de Suède, adopté par le roi Charles XIII, il partit avec l’assentiment de Napoléon. Il consentit d’abord à seconder la politique de l’Empereur et accéda même au blocus continental ; mais au commencement de 1812, les troupes françaises ayant envahi le territoire suédois, il rompit avec Napoléon et entra dans la coalition contre la France. Nommé généralissime de l’armée du Nord, le prince royal débarqua à Stralsund avec 30 000 Suédois, vainquit Oudinot à Gross-Beeren, Ney à Dennevitz, et eut une part décisive à la funeste bataille de Leipsick (1813) ; toutefois, il ne pénétra pas à main armée sur le territoire français, et s’arrêta sur les bords du Rhin ; il tenta même, mais inutilement, de déterminer Napoléon à la paix, et de détourner les alliés de passer le Rhin. À peine de retour en Suède, où il fut reçu avec enthousiasme, il marcha sur la Norvége, dont la possession lui avait été assurée par les alliés, et s’en rendit maître en 15 jours (1814). Reconnu roi de Suède à la mort de Charles XIII, en 1818, Charles-Jean ne s’occupa plus que de faire prospérer ses États ; il cimenta l’union des Suédois et des Norvégiens, tout en laissant à chacun des deux peuples sa constitution propre, développa l’instruction publique, l’agriculture, l’industrie et le commerce, et réunit, par le canal de Gothie, l’Océan et la Baltique (1822). Il avait pris pour devise : L’amour de mon peuple est ma récompense ; il mérita en effet d’être chéri des Suédois. — On a publié sa Correspondance avec Napoléon de 1810 à 1814, Paris, 1819, et un Recueil de ses Lettres, proclamations et discours (Stockholm,