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compagnons de Bellovèse), et, entre ces deux émigrations, les Étrusques ou Rasena, qu'on fait descendre des monts de la Rhétie. Ceux-ci formaient un État fédératif, le plus puissant de l'Italie, quand Bellovèse arriva (VIe siècle av. J.-C.). Dès lors commença leur décadence. Rome, fondée depuis 753, profita de cet affaiblissement pour soumettre la fédération tusque. Mais la révolution par laquelle elle expulsa Tarquin le Superbe (509 av. J.-C.) et s'érigea en république lui fit perdre le fruit de ses travaux et la recula pour 160 ans. Pendant ce temps les Gaulois au N., les Samnites au S., devenaient, avec les Romains, les plus fortes nations de la péninsule. Mais de 391 à 350 av. J.-C., les Gaulois épuisent inutilement leurs forces; puis de 343 à 267, Rome, par sa vaillance et sa ténacité, soumet non-seulement les Samnites, mais toute l'Italie du centre et du sud. L'Italie du nord, alors dite Gaule Cisalpine, fut subjuguée pareillement de 221 à 173, sauf quelques districts, et forma une province romaine. L'histoire de l'Italie entière se confond dès lors avec celle de Rome, dont elle suit les destinées. Après la chute de l'empire romain d'Occident (476), l'Italie appartint successivement aux Hérules (476-491), aux Ostrogoths (491-552), aux Grecs (552-568); puis, les Lombards survenant (568), elle fut partagée entre ceux-ci et l'empire d'Orient, de sorte qu'il y eut une Italie lombarde ou barbare, et une Italie grecque ou romaine ; celle-ci fut gouvernée par un exarque, siégeant à Ravenne. En 726 les violences impolitiques de l'empereur grec Léon III l'Iconoclaste amenèrent un soulèvement : le duché de Rome devint une république sous la présidence des papes. Ceux-ci bientôt se trouvèrent pressés entre les exarques grecs de Ravenne et les rois lombards. Étienne III fut forcé d'appeler à son secours Charles Martel et les Francs. Cependant les Lombards s'agrandirent au S., où ils formèrent aux dépens des Grecs le duché de Bénévent(751); mais leur monarchie fut détruite à son tour par Charlemagne (774), et l'Italie se trouva divisée en trois parties : Italie franque, Italie lombarde, non relevant des Francs (réduite au duché de Bénévent), Italie grecque. Les papes, dans cet état de choses, n'étaient point pleinement souverains; ils relevaient de l'empereur. Après la mort de Charlemagne, l'Italie ne tarda point à former un royaume particulier, auquel la couronne impériale fut jointe à partir de 843. Cette couronne fut longtemps portée par un Carlovingien; cependant, après la déposition de Charles le Gros, en 888, des princes italiens (Bérenger, Gui, etc.), essayèrent de se faire reconnaître rois d'Italie. Après l'extinction des Carlovingiens d'Allemagne (911), ces princes restèrent indépendants; mais Othon I, en 962, rétablit la souveraineté de l'Allemagne sur l'Italie septentrionale ; ses successeurs tentèrent même de conquérir l'Italie grecque. Henri III surtout (1039-1056) rendit les papes de plus en plus dépendants de l'empire. Grégoire VII, pape en 1073, rétablit la papauté dans son indépendance; il voulut même l'élever au-dessus des empereurs, en soulevant la querelle des Investitures (1017-1122). Dans le même temps, les Normands s'établissaient dans l'Italie grecque, ravie aux empereurs d'Orient et aux Lombards de Bénévent, et préparaient la création du royaume des Deux-Siciles, qui fut constitué dès 1131, en faveur de Roger I, comme fief du Saint-Siège. Bientôt éclate la guerre des Guelfes et Gibelins d'Italie (1161-1268). Après de longues luttes, les Guelfes l'emportent, les Allemands sont expulsés d'Italie, les villes lombardes et toscanes qui se sont érigées en républiques n'ont plus à craindre de maître de l'autre côté des Alpes. Mais alors presque toutes ont des tyrans indigènes ; plus d'une fois les papes sont chassés de Rome , qui se constitue de nouveau en république. Peu à peu, au milieu de révolutions violentes, le destin de l'Italie s'asseoit. En 1282, à la suite des Vêpres siciliennes, le roy. des Deux-Siciles se scinde en deux royaumes (Naples et Sicile), que régissent deux dynasties rivales : cet état de choses dure jusqu'en 1504. Au N., Milan, aux mains des Visconti (1277-1447) et des Sforce (1447-1535), devient métropole d'un vaste duché. Le comte Vert (Amédée VI) donne une haute importance à la Savoie (1343-1383). Venise, dès le commencement du XIVe siècle, se fait conquérante en terre ferme. La maison d'Este règne à Ferrare, les Gonzague à Mantoue : Florence devient décidément l'État principal de la Toscane, et les Médicis commencent à y dominer. Les papes, après 70 ans de séjour dans Avignon (1309-1378), reprennent pied en Italie : Albornoz fait reconnaître l'autorité d'Innocent VI par presque tout l'État ecclésiastique, 1360. Cependant l'Italie ne peut se soustraire entièrement au joug de l'étranger. En vain le belliqueux pape Jules II (1503-1513) veut en chasser les Barbares; la France et l'Espagne se disputent ce beau pays; Charles VIII, Louis XII et François I essayent inutilement de l'asservir; l'Espagne l'emporte: maîtresse du roy. des Deux-Siciles dès 1505, elle fait du duché de Milan une de ses provinces (1540), et, tenant ainsi l'Italie au N. et au S., elle en organise le reste à son gré; Venise seule reste indépendante. Le XVIIe siècle fait perdre à l'Espagne un peu de cette prépondérance; le XVIIIe la lui ravit presque entièrement : le Milanais et les Deux-Siciles passent entre les mains de l'Autriche (1706-1721); mais, de 1731 à 1735 et 1738, deux lignes cadettes de la maison de Bourbon d'Espagne obtiennent, l'une, Parme, l'autre, les Deux-Siciles, à la condition toutefois que jamais ces États ne seront réunis à la couronne espagnole. Les guerres de la Révolution française et surtout de l'Empire changent pour quelque temps la face de l'Italie : en 1801, la Savoie et le Piémont sont réunis à la France; le Milanais, enlevé à l'Autriche, forme la république Cisalpine; l'Autriche est indemnisée par la cession de Venise avec ses États de Terre-Ferme; un prince d'Espagne reçoit le royaume d'Étrurie. En 1805, après la bataille d'Austerlitz, et par suite du traité de Presbourg, Venise et la Terre-Ferme sont réunies à la république Cisalpine, qui porte dorénavant le nom de Royaume d'Italie ; Gênes est incorporée à l'empire français; le royaume de Naples, conquis par les armes française échappe au roi Ferdinand IV, qui ne garde que la Sicile, et est donné par Napoléon, d'abord à Joseph, son frère (1806), puis à Murat, son beau-frère (1808). La reine d'Étrurie abdique en 1807, et ses États viennent grossir l'empire français; en même temps une partie de l'État romain vient accroître le royaume d'Italie, qui s'enrichit encore du Tyrol méridional (1809), tandis que Rome même et tout ce qui reste de l'État romain entrent dans l'empire français. Ainsi, hormis la Sicile qui conservait les Bourbons de Naples, et la Sardaigne qui reste à la maison de Savoie, toute l'Italie obéit à Napoléon à quatre titres différents: tout le nord-ouest jusqu'au Garigliano (moins la principauté de Lucques et de Piombino, donnée à sa sœur aînée Élisa) est censé empire français ; tout l'est et les légations forment son royaume d'Italie, administré pour lui par Eugène son beau-fils, en qualité de vice-roi; Murat, son beau-frère, possède le royaume de Naples. Le pape avait été dépossédé comme les autres souverains. Mais après les événements de 1814, l'acte du congrès de Vienne (1815) rend au pape tous ses États; à la maison de Savoie, la Savoie, le Piémont, Nice, et y ajoute Gênes ; à l'Autriche, le Milanais, plus Venise qui forment le roy. Lombard-Vénitien, et donne à deux princes autrichiens la Toscane et Modène; à Marie-Louise le duché de Parme et à un Bourbon de la maison de Parme le duché de Lucques. Murat garde Naples un instant; mais on le lui reprend pendant les Cent-jours (1815) pour le rendre à Ferdinand IV. L'Autriche avait droit de garnison dans plusieurs places des États romains, dominait toute l'Italie, et soutenait partout le pouvoir absolu. Cette domination ne tarda pas à devenir odieuse : menacée par la société secrète des Carbonari et par les écrivains les plus populaires; attaquée plusieurs fois par des insurrections qui furent violemment réprimées (1821, 31, 41), elle fut fortement ébranlée un instant en 1848. En cette an-