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TURIN - 1915 - TURK


dans la vie laïque et devint en 1753 maître des requêtes; se fit bientôt une haute réputation de savoir par ses ouvrages sur l’économie politique et par ses relations avec les penseurs de l’époque, fut nommé intendant de la généralité de Limoges (1761) et rendit à cette province des services éminents en diminuant les impôts, réparant les routes, rétablissant la libre circulation des grains, organisant des bureaux de charité. En 1774, il fut appelé par Louis XVI au ministère de la marine, et un mois après au contrôle général des finances : il tenta d’utiles réformes, et put en établir quelques-unes (libre circulation des grains, abolition de la corvée et des jurandes), mais ses efforts vinrent échouer contre la coalition du clergé, de la noblesse, de la haute finance et des parlements, qui se croyaient atteints dans leurs privilèges. On travestit toutes ses mesures, et, après deux ans de lutte, on parvint à le faire écarter (1776). Il mourut cinq ans après, dans la retraite. Il avait été nommé membre honoraire de l’Académie des inscriptions. Turgot était un homme ferme, droit et de bonne foi, mais il n’avait pas cet art des expédients et cette adresse qui sont nécessaires à la cour ; il eut aussi une trop grande confiance dans l’ascendant de la justice et de la vérité : son malheur fut d’être venu quelques années trop tôt. Turgot avait beaucoup écrit sur l’économie, la politique, la métaphysique et la littérature; on a même de lui des vers français et latins estimés; il fournit à l'Encyclopédie d’excellents articles sur l’économie politique, le commerce et les finances. Parmi ses écrits, on remarque sa Lettre sur la tolérance civile (1754), ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1766), où il cherche à concilier les doctrines de Quesnay et de Gournay, ses Lettres sur la liberté du commerce des grains. Ses Œuvres complètes ont été publiées par Dupont de Nemours, 1808-11, 9 v. in-8, et rééditées par E. Daire, 1844. Sa Vie a été écrite par Condorcet et son Éloge par Baudrillart, 1846. On doit en outre à MM. Tissot (de Dijon), Batbie, Mastier et d’Hugues d’intéressantes Études sur Turgot.

TURICUM, nom latin de Zurich.

TURIN, Bodincomagus, Taurasia, Colonia Julia Augusta Taurinonum chez les anciens, Torino en italien, capit. des anciens États sardes et quelque temps du royaume d’Italie, ch.-l. de l’intendance de Turin et de tout le Piémont, sur le Pô et la Doire, à 825 kil. S. E. de Paris; 205 000 hab. Siège du gouvernement et résidence de toutes les autorités centrales; archevêché (érigé en 1515); université très-fréquentée, qui date de 1405; collège, académie militaire. Turin est une des plus belles villes de l’Europe : les rues, tirées au cordeau, se coupent à angle droit, et ont des arcades semblables à celles de la rue de Rivoli (à Paris) ; on y remarque les rues du Pô, de la Doire et Neuve; les places St-Charles, du Château, Victor-Emmanuel et d’Italie; la cathédrale et les églises de St Laurent, du St-Sacrement, de Ste-Thérèse, des Jésuites, des Feuillants ou Consolata; les palais du Roi, des ducs de Savoie, du prince de Carignan, le grand théâtre, l’arsenal. Académie royale des sciences, académie royale des beaux-arts, société d’agriculture; bibliothèque très-riche, galerie de tableaux (au palais Madama), musée d’antiquités, magnifique musée égyptien, cabinets de médailles, d’histoire naturelle, de physique ; jardin botanique, observatoire. Industrie active : soieries, velours, damas, liqueurs, chocolat; verreries, porcelaine; fonderie de canons, manufacture royale d’armes et de poudre. Plusieurs chemins de fer. Patrie du mathématicien Lagrange. — Turin était la capit. des Taurini, peuplade d’origine gauloise : ses habitants ayant refusé de prendre parti pour Annibal, ce général la saccagea. Les Romains en firent une colonie sous Jules-César(d’où son nom de Colonia Julia); Auguste l’embellit. Sous les Lombards, elle fut le ch.-l. d’un des trente duchés de cette monarchie : elle devint en 1281 la capit. des ducs de Savoie. Son importance date surtout de la réunion de la Savoie et du Piémont. Les Français la prirent en 1640, mais ils l’assiégèrent vainement en 1706; ces 2 sièges, surtout celui de 1706, sont au nombre des sièges les plus mémorables. Occupée par les Français en 1796, 1798, 1800, elle fut démantelée cette dernière fois; elle devint le ch.-l. du dép. du Pô et resta comprise dans l’empire jusqu’en 1814. Louis XIV signa en 1696 à Turin avec le duc de Savoie un traité par lequel il restituait à ce prince les villes conquises et stipulait le mariage de la fille du duc avec un de ses petits-fils. — L’intend. générale de Turin, qui comprend la plus grande partie du Piémont, est située entre celles d’Aoste au N., de Coni au S., de Novare et d’Alexandrie à l’E., la Savoie à l’O. : env. 100 kil. sur 90; 942 000 h.; elle se divise en 5 provinces : Turin, Bielle, Suse, Ivrée et Pignerol : la prov. de Turin compte à elle seule près de 300 000 h.

TURKESTAN, région d’Asie, habitée par les Turcs, et nommée aussi Tartarie, se distingue en 2 parties : le Turkestan chinois et le Turkestan indépendant.

TURKESTAN CHINOIS, dit aussi Petite-Boukharie, en chinois Thian-chan-nan-lou, vaste contrée de l’Asie centrale, qui forme la prov. la plus occid. de l’empire chinois, a pour bornes à l’O. le Turkestan indépendant, au S. le Thibet et le Kaboul, au N. la Dzoungarie, à l’E. le pays de Khoukhounoor et la Chine : 1900 kil. de l’E. à l’O., sur 800 de largeur moyenne; env. 2 000 000 d’hab. Point de capitale : mais Kachgar et Yarkand sont les plus grandes villes; Aksou est la résidence du commandant chinois. De hautes montagnes entourent ce pays, sauf à l’E. ; au centre sont de vastes plaines. Le fleuve principal est l’Yarkand. On y trouve plusieurs déserts, mais le sol est fertile en beaucoup d’endroits et nourrit de nombreuses espèces animales, chevaux sauvages, bœufs, chameaux, moutons à cornes tordues, dits argalis. Les montagnes recèlent de l’or et des pierres précieuses; salpêtre, soufre. Le Turkestan chinois a encore beaucoup de peuplades nomades. Les habitants sont les uns des Turcs véritables, les autres des Mongols (ceux-ci moins nombreux). La langue appartient à la famille des langues turques. La religion dominante est le mahométisme. — L’histoire du Turkestan chinois est à peu près inconnue. Déjà soumis par les Mongols, il tomba en 1758 au pouvoir des Mandchoux, maîtres de la Chine ; d’abord tributaire seulement, il est auj. province sujette. En 1827, il fut le théâtre d’une insurrection terrible.

TURKESTAN INDÉPENDANT ou TARTARIE INDÉPENDANTE, la Sogdiane et la Scythie Transoxiane des anciens, à l’O. du Turkestan chinois et du Thian-chan-pelou, au S. des Kirghiz, au N. de l’Hindoustan et du Kaboul, à l’E. de la mer Caspienne et de la Russie, s’étend entre 36° et 51° lat. N., 47° et 80° long. E., et compte env. 9 000 000 d’hab. Il renferme une foule d’États de toutes dimensions dit khanats ; les principaux sont ceux de Boukhara, Khiva, Khokand, Hissar, Badakchan, Koulm, Balkh. Le pays, assez montueux à l’E., est compris dans la grande dépression centrale du continent asiatique, qui semble indiquer que ce fut autrefois le lit d’une vaste mer dont les mers Caspienne et d’Aral sont les restes. L’Amou ou Djihoun, le Sibounou Syr-Daria en sont les fleuves principaux. Le pays se compose en grande partie de steppes; on y trouve quelques cantons fertiles. Les habitants ne manquent pas d’industrie, mais ils sont surtout adonnés au commerce (notamment les Boukhares). Presque tous sont de race turque et musulmans Sunnites. Désigné par les plus anciens écrivains de la Perse sous le nom de Touran, le Turkestan fut dans les temps antéhistoriques le théâtre des combats que se livrèrent les deux races. Iranienne ou Persane et Touranienne, les ancêtres des tribus turques actuelles, combats dont Djemchid est le héros dans les livres sacrés des Mages. Les Iraniens ou Perses restèrent maîtres de la partie méridionale, qui plus tard forma les satrapies per-