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TURQ — 1917 — TURQ
nés par des pachas ou valis ; ces gouvernements, à leur tour, se subdivisent en sandjakats ou livahs, gouvernés par des sandjaks ou kaimacans. — Les Turcs ont en général la physionomie grave ; ils sont grands, forts, mais indolents à l’excès. Ils dominent dans tout l’empire : les autres races sont tenues dans l’assujettissement et confondues sous le nom injurieux de rajas (troupeau) ; les Chrétiens surtout ont à subir toutes sortes d’avanies. L’Islamisme (du rite sunnite) est la religion dominante, mais les autres religions sont tolérées ; l’église grecque est régie par le patriarche de Constantinople, assisté d’un saint-synode. La langue, dialecte de celle du Turkestan, est pauvre, dure, et manque d’expressions pour tout ce qui a rapport aux arts et aux sciences. Les Turcs sont en effet presque universellement étrangers à toute culture intellectuelle ; cependant depuis quelques années de louables efforts ont été faits pour organiser l’instruction publique et répandre les connaissances utiles : une université a même été fondée à Constantinople en 1846. En fait de beaux-arts, les Turcs ne réussissent qu’à peindre ou à sculpter la nature inanimée (fleurs, arabesques, etc.) et à élever de jolies mosquées avec de hardis minarets. Le gouvernement est despotique ; le pouvoir est héréditaire dans la famille d’Othman. Le chef de l’État se nomme Sultan, Padichah ou Grand Seigneur ; il réunit le pouvoir spirituel au pouvoir temporel, et se prétend successeur des califes. Les principaux personnages après lui sont : le grand vizir (1er ministre), le capitan-pacha (amiral), le defterdar (ministre du trésor), le reïs-effendi (à l’extérieur), le kiaïa-bey (à l’intérieur) : ces officiers, avec quelques autres, forment le divan ou conseil d’État. Le corps des ulémas, présidé par le mufti, a aussi part aux affaires, et limite jusqu’à un certain point le pouvoir du sultan. On nomme Porte ou Sublime-Porte la cour de Turquie (V. PORTE). La couronne passe ordinairement à l’aîné de la famille, frère ou fils. L’administration est généralement très-défectueuse : les pachas et sandjaks cumulent dans leurs provinces les pouvoirs militaire, civil et financier, et y exercent toutes sortes d’ extorsions. Les rajas payent seuls l’impôt, qui n’est fixé que par le caprice des gouverneurs. La force militaire se compose d’une armée active (nizam), d’une réserve (redifs) et de troupes irrégulières (bachibozouks) : toute la population mahométane est censée faire partie de l’armée et doit le service pendant 5 ans.


TURQUIE D’EUROPE. Cette contrée, qui comprend la Thrace, la Macédoine, l’Illyrie, l’Épire et la Thessalie des anciens, est généralement divisée par les Européens en 5 régions : Bulgarie, Bosnie avec la Croatie, Roumélie, Albanie, Macédoine avec la Thessalie ; mais ces divisions sont inconnues au Turcs. Ils divisent tout le pays en 15 eyalets : eyalet d’Andrinople (Thrace), de Silistrie (Bulgarie orientale), de Boghdan (Moldavie), d’Eflak (Valachie), de Viddin (Bulgarie occid.), de Nissa ou Nisch (Servie turque et Bulgarie mérid.), d’Uskup (Macédoine septentr.), de Syrp (Servie), de Bosna (Bosnie et Croatie), de Roumélie ou de Monastir (Macédoine occid. et N. de l’Albanie), de Janina (Épire ou S. de l’Albanie et Thessalie), de Salonique (Macédoine), de Djezaïr (îles de l’Archipel, Rhodes), de Cryt ou Kirid (Crète), auxquels il faut joindre le district particulier de Constantinople et le commandement de la forteresse de Belgrade. Deux chaînes de montagnes traversent la Turquie d’Europe, l’une, l’ancien Hémus, de l’O. à l’E. (elle se subdivise en Glioubotin, Tchardagh, Argentaro, Balkhan), l’autre, les anc. monts Candavii, du N. au S. (elle part du Tchardagh et court jusqu’à la Grèce). Au N. de la première chaîne coulent la Save (affluent du Danube) et le Danube lui-même : ces deux fleuves reçoivent à droite beaucoup d’affluents : l’Unna, la Bosna, le Drin septentr. (Morava), l’Isker, etc. Dans la partie mérid. se trouvent à l’O. le Drin mérid., la Voïonssa. l’Aspropotamo ; à l’E. la Salempria, le Vardari, le Kara-sou, la Maritsa. Les côtes très-découpées, surtout au S., offrent beaucoup de ports et de baies : Constantinople est un des plus beaux ports du monde. Le sol est très-fertile en général, et, quoique mal cultivé, il produit beaucoup de grains, de fruits exquis, de plantes tinctoriales, potagères, oléagineuses, etc. Beaucoup de gros bétail, dont partie à l’état sauvage ; vers à soie, abeilles, gibier, poisson en abondance. Argent et or (près de Ghiustendil), cuivre, fer, plomb, sel, houille, alun, marbre, etc. ; eaux thermales et minérales. Industrie médiocre : cependant les Turcs sont très-habiles en quelques parties (essence de rose ou atar, préparation du safran, teinturerie rouge, velours et autres soieries, mousselines peintes, tapis ; pistolets et sabres, fonderies de canons) ; mais en général ils n’inventent ni n’adoptent de procédés nouveaux et sont prodigieusement arriérés. Le commerce est très-actif, mais à l’intérieur il se fait par les Grecs et les Arméniens ; à l’extérieur, il est aux mains des Européens (Vénitiens et Génois autrefois ; Français, Anglais et Autrichiens auj.). Quoique bien moins nombreux dans la Turquie d’Europe que les populations sujettes, les Turcs ne se sont jamais mêlés avec elles ; ce qui a fait dire avec raison qu’ils ne sont que campés en Europe.

TURQUIE D’ASIE. On la divise vulgairement en 6 grandes régions : Anatolie, Arménie, Kourdistan, Aldjézireh ou Mésopotamie, Irak-Arabi, Syrie. Les Turcs la divisent officiellement en 21 eyalets : eyalet de Kastamouni (Paphlagonie), de Khodavendiguiar (Bithynie, Mysie et Phrygie), d’Aïdin (Lydie et Carie), de Caraman (Pisidie, Lycaonie et Pamphylie), d’Adana (Cilicie), de Bozok (Galatie et Cappadoce occidentale), de Sivas (Cappadoce orient. et S. O. du Pont), de Trébizonde (Pont et Colchide), d’Erzeroum (Arménie), de Van (Assyrie), de Kourdistan ou Diar-békir (Mésopotamie sept.), de Kharbout (Sophène et Comagène), d’Alep (N. de la Syrie et Osroène), de Saïda (Phénicie et Palestine), de Cham ou Damas (Syrie), de Bagdad (Babylonie ou Irak-Araby), de Schehrzor (Assyrie orientale), de La Mecque et d’Haremi-Nabevi ou Médine (Hedjaz), d’Habesch ou Djidda (Arabie et forts de Nubie et d’Abyssinie), d’Yémen ou Moka ; auxquels il faut joindre en Afrique les 3 eyalets de Mirz (Égypte), de Tarablousi-Gharb (Tripoli), de Tunis. — On trouve dans cette contrée le système Tauro-Caucasien, comprenant les chaînes du Taurus et de l’Anti-Taurus, dans l’Asie-Mineure et l’Arménie, du Liban et de l’Anti-Liban en Syrie ; c’est là aussi que coulent le Tigre, l’Euphrate, affluents du golfe Persique, le Jourdain, affluent de la mer Morte, le Kizil-Irmak (Halys), affluent de la mer Noire, le Méandre, affluent de l’Archipel.

Histoire. Les Turcs Ottomans ou Osmanlis, qui ne sont qu’une branche de la puissante famille turque (V. TURCS), tirent leur nom d’un de leurs chefs ou émirs, Othman ou Osman, fils de Togroul, et dit le Briseur d’os, qui, lors du démembrement de l’empire seldjoucide de Roum, s’établit vers 1300 à Karahissar (Apamée), en Phrygie, et prit le premier titre de sultan : il s’agrandit aux dépens des principautés seldjoucides. Ses deux successeurs étendirent beaucoup l’empire : Orkhan conquit le reste de l’Asie-Mineure et mit le pied en Europe (1355) ; Amurat I prit Andrinople (1360), et soumit la Macédoine, l’Albanie, la Servie ; Bajazet I conquit la Bulgarie après la sanglante victoire de Nicopolis (1396), et menaça Constantinople : c’en était fait dès lors de l’empire grec sans l’invasion de Tamerlan et la défaite de Bajazet à Ancyre (1402). Mahomet I raffermit l’empire turc ; Amurat II recommença les conquêtes et les progrès ; enfin, Mahomet II prit Constantinople (1453), et par cette importante conquête anéantit l’empire grec. Ce conquérant soumit ensuite rapidement le reste de la péninsule grecque, ainsi que la Caramanie, l’empire de Trébizonde (1461), la Bosnie, la Valachie (1462), la Petite-Tartarie, et