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EXPOSÉ.

Mais qui était ce Richard Lloyd ? Richard Lloyd était le propre gouverneur de William Stanley. C’est ce school master qu’on avait chargé, selon l’usage du temps, d’accompagner et de surveiller le jeune homme dans le voyage que celui-ci fit sur le continent. Il nous est resté deux lettres qu’il écrivit alors qu’il se trouvait en France avec son élève ; on l’y voit fort préoccupé, en vrai magister, de découvrir quelque résidence isolée à Angers pour son disciple et lui, à l’écart des routes fréquentées, et constater avec onction que « les papistes et les réformés vivent ici en bon accord », grâce à quoi « personne n’est contraint d’aller à l’église ». C’était un fort pédant personnage : il nous est resté de lui un traité en anglais, tout entrecoupé de phrases latines, comme le sont les propos d’Holofernes dans Peines d’amour perdues, le ridicule poème déjà cité des Nine Worthies et un ouvrage sur l’état de la chrétienté où l’on devine d’abord qu’il n’y a pas le plus petit mot pour rire. Peines d’amour nous donne Holofernes comme l’auteur, le metteur en scène des Neuf preux, et comme un homme remarquablement compétent en spectacles de ce genre ; tel était certainement le cas de l’auteur des Nine Worthies. Et M. Lefranc a raison de conclure que c’est par une concordance extraordinaire que le personnage à qui il attribue le théâtre de Shakespeare a eu un précepteur qui a composé une déclamation des Nine Worthies que Peines d’amour perdues semble bien tourner en ridicule.

Mais continuons. Où se passe la scène de la comédie ? Pour cela, point de doute : en Navarre, à la cour