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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

ment des deux pieds qu’il lui brise l’épaule de sa monture ; après quoi il s’élance au galop derrière son compagnon d’écurie qu’il aimait de grand amour, et qui pour l’appeler hennissait si haut et si clair que la campagne en retentissait à plus d’un quart de lieue.

Cependant, l’autre chevalier s’était jeté, la lance au poing, à la poursuite de Lionel, qui gardait de trop le distancer, comme il l’aurait pu aisément, car le bai-brun était vif comme cerf de lande. À un moment, même, le chevalier, qui se jugeait à bonne portée, jeta sa lance, pensant férir le valet par le corps. Mais Lionel se baisse pour éviter le coup, s’empare au passage de l’arme fichée en terre, et, tournant la tête de son destrier, il revient, bruyant comme la foudre, sur son assaillant qui se couvrait de son écu, lui perce l’épaule d’outre en outre, et lui crie en riant :

— Beau sire, si vous pensez que je vous ai navré à tort, ajournez-moi en la cour du roi Artus de Bretagne !

Là-dessus, comme le roussin arrivait, il le prend par la bride et s’éloigne à telle allure que les deux chevaliers démontés ne tardent pas à le perdre de vue.