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L’AMITIÉ DE GALEHAUT

mieux être dame d’un petit royaume avec vous, que reine de tout l’univers sans votre compagnie.

— Ha, sire, c’est là ce que je souhaiterais le plus au monde ! Mais le roi a juré qu’il la ferait périr si elle était convaincue de ce crime. Non, elle ne mourra pas, s’il plaît à Dieu et à vous, en la garde de qui je me suis mis après celle de Notre Seigneur ! Je vous supplie de m’aider au nom de Dieu et du grand amour que vous avez pour moi, et qui vous a coûté déjà de perdre en un seul jour l’espoir de conquérir trente royaumes !

Là-dessus, Lancelot se prit à pleurer si fort que la parole lui manqua et, joignant les mains, il tomba aux genoux de son ami. Mais celui-ci l’embrassa et tous deux, menant grand deuil, s’assirent côte à côte. Et Galehaut, qui était plus sage et plus maître de lui, se reprit le premier et commença de réconforter Lancelot, disant :

— Beau doux ami, consolez-vous : il n’est rien que vous voudrez commander que je n’accomplisse par force ou par ruse, dussé-je perdre toute ma terre et tous mes amis. C’est vrai : j’ai fait pour vous maintes choses, qui me seront comptées plutôt à folie qu’à sagesse ; mais c’est qu’à tous les biens de ce monde, je préfère votre compagnie et votre amour : si je vous perdais, je serais mort sans retour. Quand vous serez au-