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FÉLONIE DE MÉLÉAGANT

sèrent leurs lances au ras du poing, mais leurs chevaux se heurtèrent et le fils du roi Baudemagu n’eut sangle, ni arçon, ni harnais de poitrail si forts qu’ils ne rompissent : il fut porté à terre, la selle entre les cuisses. Après quoi Lancelot continua de jouter.

Méléagant s’était remis debout, car il n’était pas blessé. Il demanda traîtreusement à ses écuyers une lance à fer aiguisé, monta sur un autre destrier et s’adressa de nouveau à Lancelot, visant bien où il le frapperait : ce fut à la cuisse, au-dessous de l’écu ; le fer traversa la jambe et se brisa sur l’arçon d’arrière. Et le sang coula jusque sur l’herbe.

Galehaut n’était pas à la joute. Mais, en voyant la blessure de Lancelot, ses gens se hâtèrent de jeter leurs lances et leurs écus, tant ils redoutaient le courroux de leur seigneur. Et le roi Baudemagu, qui craignait que Galehaut ne voulût prendre vengeance de la félonie de Méléagant, fit sur-le-champ partir son fils pour son pays. Déjà la nouvelle était parvenue au palais ; on dit à la reine que Lancelot avait été navré en plein corps : aussitôt elle tomba pâmée, et si rudement qu’elle se fit une plaie à la tête. Le roi, cependant, s’empressait d’aller au-devant du blessé.

— Sire, s’écria Lancelot, pour Dieu, n’en dites mot à Galehaut, car il se chagrinerait ! Je n’ai plaie qui me nuise.