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LANCELOT CHAMPION DE SA DAME

Il demeura ainsi vêtu de son bliaut, et bien pris dans sa taille comme il était, les cheveux blonds et crêpelés, le visage brun, les yeux verts, et tout enflammé de courroux, chacun fut frappé de sa grande beauté. Il écarta Keu si rudement que pour un peu il l’eût abattu aux pieds du roi, et comme le sénéchal irrité se dressait devant lui avec défi, il le repoussa du bras et lui dit :

— Sire Keu, ne vous offrez point à soutenir le droit de madame, car vous ne ferez point cette bataille, ni aucun chevalier céans.

— Et pourquoi, sire ?

— Parce qu’un meilleur que vous la fera.

Cette parole fut souvent reprochée à Lancelot, mais à ce moment peu lui souciait s’il disait bien ou mal.

— Sire, reprit-il en s’adressant au roi, je vous demande en mon nom et au nom de tous les chevaliers de me dire qui a rendu ce jugement.

— Moi, répondit le roi, et tous ces prud’hommes avec moi.

— Sire, j’ai été par votre grâce compagnon de la Table ronde, mais je m’en dévêts, comme je me suis dévêtu de mon manteau : ainsi puis-je protester en votre cour contre vous-même. Le jugement de madame est faux, mauvais et déloyal : je suis prêt à le prouver par mon corps et mes armes. Et si ce n’est assez d’un chevalier, j’en combattrai deux, voire trois.

— C’est de la folie ! dit Keu. Lancelot aurait