Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
BRISANE

demanda, que la vieille lui versa et qu’il but jusqu’à la dernière goutte.

Or, dès qu’il eut avalé ce philtre, il se trouva tout enivré et affolé, et Brisane s’aperçut qu’il ne savait plus où il était ni comment il était venu là : car il croyait être en la cité de Camaaloth, et il la prenait elle-même pour la dame de Malehaut depuis longtemps morte. Alors elle lui dit :

— Sire, madame la reine pourrait bien être endormie. Qu’attendez-vous pour aller à elle ?

— Si je savais qu’elle me mandât, j’irais volontiers, fit-il.

La vieille feignit d’aller voir, et, au bout d’un moment, elle revint lui dire que la reine l’attendait. Aussitôt Lancelot se déchaussa, et, en chemise et braies, il suivit Brisane, qui le mena dans la chambre de la fille du roi, auprès de laquelle il se coucha, cuidant que ce fût la reine, sa dame. Et la pucelle, qui ne désirait rien plus que celui qu’elle savait être l’émeraude de toute chevalerie terrienne, le reçut, heureuse et joyeuse.

Ainsi furent unis le meilleur et le plus loyal des chevaliers de ce temps et la fille du roi Pellès, le riche Pécheur. Et celle-ci, la plus belle pucelle qui fût alors, ne l’accueillit point à cause de sa beauté ni par échauffement de chair, mais pour recevoir le fruit par lequel les aventures de Bretagne devaient être achevées, ainsi que