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GUÉRISON DE LANCELOT

Et, après avoir recommandé à sa fille de ne rien dire, il fit lier par des écuyers et transporter le fou au palais du Graal, où il le laissa seul. Et là, quand l’heure de la merveille fut venue et que la colombe eut volé, tenant au bec son encensoir d’or, et lorsque le saint vase passa comme il faisait chaque jour, soutenu par des mains invisibles (car la fille du roi avait perdu avec sa virginité le pouvoir de le porter), Lancelot se sentit soudain guéri : il retrouva sa mémoire, reprit son droit sens et reconnut le palais aventureux où il était déjà venu. Il rompit les cordes dont on l’avait attaché et courut ouvrir la fenêtre qui donnait sur un verger. Le roi Pellès était là, qui attendait.

— Sire, fit-il, Dieu vous donne bonjour !

— Sire, répondit Lancelot, que Notre Sire vous bénisse !

Il descendit et le roi lui conta la vérité de ce qui s’était passé.

— Sire, murmura Lancelot en baissant la tête, je vous prie pour Dieu de me dire si quelqu’un m’a reconnu.

— Certes non, hormis moi et ma fille.

— En ce cas, conseillez-moi au nom du Sauveur. Hélas ! j’ai tant forfait au royaume de Logres que je n’y pourrai jamais retourner sans commandement. Je voudrais demeurer en un lieu où nul ne me connût.

— J’ai près d’ici une île sans habitants.