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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

le bras en deux endroits ; puis, il culbuta du même élan Cador d’Outre la Marche, qui portait au bras la manche brodée de sa dame. Ce que voyant, ceux du parti opposé voulurent tous jouter avec lui, et il continua de la sorte, brisant les lances, abattant tout et donnant aux hérauts ou à qui en voulait les chevaux qu’il gagnait : car il n’était pas de ceux qui font du cuir d’autrui large courroie ; tant enfin que chacun s’ébahissait de le voir et que les demoiselles se promettaient de ne pas refuser un champion si preux, si par hasard il les voulait aimer.

Il advint une fois qu’il frappa un chevalier en pleine gorge, de façon que la terre fut en peu de temps rouge de sang. « Il est mort, il est mort ! » criait-on. Ce qu’entendant, Lancelot laissa choir son arme et annonça qu’il allait quitter le champ. Mais, quand il eut appris par son écuyer que le navré était le sénéchal du roi Claudas de la Déserte :

— Puisqu’il appartient à Claudas, peu me chaut de sa mort ! dit-il. C’est le chevalier Jésus qui me venge de mes ennemis.

Et là-dessus, tirant son épée, il commence la mêlée, frappe à dextre, à senestre, arrache les écus, fait sauter les heaumes, et boute, et enfonce, et frappe, et cogne des membres et du corps.

Or, à voir tant de prouesse, messire Gauvain