Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les jambes le premier cadavre qui se trouve à sa portée, il le traîne jusqu’au rempart, le soulève et le précipite dans le bastion béant. À cette vue, un frémissement parcourt la foule, un cri, le même cri, expression d’admiration et d’enthousiasme, sort de la poitrine de tous.

— Vive Roze ! Vive le chevalier !

La peur qui paralysait les plus hardis, s’est évanouie comme par enchantement. Les soldats et les autres à l’envi se précipitent sur l’esplanade et le chevalier, profitant de cet élan, dirige si habilement leurs efforts que dans un temps assez court, tous les cadavres étaient enlevés et lancés dans les bastions, puis recouverts de chaux et de terre. Cela avait lieu, le 16 septembre 1720. Par une espèce de miracle, Roze qui semblait, comme Belsunce, couvert d’un bouclier céleste :

Sous l’aile du Seigneur, le prélat vénérable
Dans le commun fléau demeure invulnérable ;

Roze en fut quitte pour une légère indisposition ; mais les pauvres forçats et les braves soldats, à l’exception de deux ou trois, au bout de quelques jours, avaient succombé, en rendant à la ville un immense, un inappréciable service. Le chevalier resta jusqu’à la fin intrépide, infatigable au poste du péril et ce fut seulement lorsque toute trace d’épidémie eut disparu, qu’il songea à prendre quelque repos et à se démettre de ses fonctions.

« Comme on a pu le remarquer dans l’histoire de plusieurs illustres bienfaiteurs de l’humanité, dit M. Paul Autran[1], le chevalier Roze avait si peu compté sur

  1. Éloge de Roze, par Paul Autran.