Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/227

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« Une sombre forêt, aucun chemin tracé, des broussailles et des épines à travers lesquelles il était obligé de s’ouvrir un passage et puis, après de longues fatigues, point d’autre nourriture que le morceau de pain qu’ils avaient pris à leur départ ; le soir pas d’autre lit que quelques branches d’arbres étendues par terre, et encore fallait-il allumer un grand feu tout autour pour éloigner les serpents et autres animaux dangereux qui auraient pu, pendant le sommeil, leur donner la mort. Ils marchaient ainsi depuis plusieurs jours lorsqu’un matin (c’était un dimanche), grand nombre de voix, chantant avec ensemble et harmonie, se font entendre dans le lointain. M. de Cheverus écoute, s’avance et à son grand étonnement il discerne un chant qui lui est connu, la messe royale de Dumont, dont retentissent nos grandes églises et cathédrales de France, dans nos plus belles solennités. Quelle aimable surprise et que de douces émotions son cœur éprouva ! Il trouvait réunis à la fois dans cette scène l’attendrissant et le sublime ; car quoi de plus attendrissant que de voir un peuple sauvage, sans prêtres depuis cinquante ans, et qui n’en est pas moins fidèle à solenniser le jour du Seigneur ; et quoi de plus sublime que ces chants sacrés inspirés par la piété seule, retentissant au loin dans cette immense et majestueuse forêt ? »

Trois mois s’étaient écoulés au milieu des fatigues et des consolations abondantes de cette heureuse mission, lorsque un message, arrivé non sans peine à l’abbé de Cheverus, le fit revenir en toute hâte à Boston où la fièvre jaune avait éclaté. Le prêtre intrépide, pareil au soldat que le champ de bataille attire, accourut aussitôt