Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/269

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jusqu’à nous, sans la courageuse opiniâtreté d’un petit nombre d’hommes qui, plus impérieusement maîtrisés par les besoins de l’esprit que par ceux du corps, aimeraient mieux renoncer à ses bienfaits que de ne pas les connaître, ne les saisissent pour ainsi dire que par l’intelligence, et ne jouissent que par la pensée ? Cette qualité, dis-je, fut dominante chez M. de La Condamine ; elle lui rendait tous les objets piquants, tous les livres curieux, tous les hommes intéressants. »

De cette curiosité qui, chez notre savant, était une violente passion, on cite des exemples singuliers, mais que le caractère de l’homme nous rend vraisemblables.

Agé de dix-huit ans à peine[1], au sortir du collége, il alla servir comme volontaire au siége de Roses (1719) où tout d’abord sa curiosité lui faillit être fatale. Désireux d’observer l’effet d’une batterie, il monta sur une hauteur, et, armé d’une lunette d’approche, il se mit à regarder, mais tellement absorbé par sa préoccupation qu’autour de lui les boulets tombaient comme grêle sans qu’il eût l’air de s’en apercevoir. C’était sur lui cependant qu’on tirait de la ville, un certain manteau de couleur écarlate qu’il portait, servant de point de mire aux artilleurs. Heureusement que du camp un officier supérieur vit le péril et envoya au jeune homme l’ordre de descendre.

Dans un voyage qu’il fit bien des années après (1737) en Italie, La Condamine eut occasion de visiter le trésor de Gênes. On lui montra un grand vase d’une seule émeraude connu sous le nom de sacro cattino, regardé

  1. Il était né à paris le 28 janvier 1701.