Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toire eut nommé Bonaparte général en chef de l’armée rassemblée sur les côtes de l’Océan, qui prenait le nom d’armée d’Angleterre, en chargeant provisoirement Desaix de la commander, celui-ci répondit, heureux de voir son nom associé à celui du vainqueur d’Italie :

« Il n’est rien que je craigne d’entreprendre sous ses ordres. »

Un mot encore, avant de continuer, sur le voyage de Desaix en Italie. Ce voyage, il l’avait fait avec un tel bonheur, qu’il en rédigea une espèce de journal écrit au courant de la plume, et reflétant ses impressions au jour le jour. En voici quelques-unes. Après une visite à la cathédrale de Milan, il pénètre dans plusieurs couvents, et ses paroles sont grandement à noter pour l’époque :

« Pouvais-je ne pas prendre les moines et les bons abbés pour des hommes du ciel descendus chez les hommes corrompus ? »

Dans le cimetière, à la vue des tombeaux fastueux des nobles, il s’écrie : « Ils ont beau faire, ils ont beau se séparer des autres ; après leur mort, ils n’en sont pas moins oubliés et confondus. »

Desaix a le goût et l’intelligence des œuvres d’art, et les musées comme les galeries particulières n’ont pas de visiteur plus enthousiaste. Après avoir admiré les Titans de Jules Romain, il s’écrie : « On passerait sa vie à voir les détails, les Titans renversés, écrasés sous les montagnes, et exprimant la rage, le désespoir, le repentir, le pardon et la douleur. »

Devant le buste de l’amiral vénitien Angelo Emo, il dit comme par un soudain pressentiment : « Il mourut après son expédition de Tunis, à la fleur de l’âge,