Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/399

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II


Toutefois, pour être juste, il faut reconnaître que le caractère exceptionnel de La Fontaine permet de croire qu’il ne se rendait pas bien compte à lui-même de la portée si blâmable de son œuvre. Il s’était lié, vers 1664 ou 1665, avec Molière déjà célèbre, Racine et Boileau qui ne devaient pas tarder à le devenir, et Chapelle « qui n’eut pas le génie de ses quatre amis, mais leur fut supérieur comme homme de société. » Dans une réunion qui eut lieu chez Boileau et où se trouvait un frère de celui-ci, docteur en Sorbonne, l’ecclésiastique se mit à disserter sur Saint Augustin et en fit un éloge pompeux. La Fontaine qui, plongé dans une de ses rêveries habituelles, semblait écouter sans entendre, se réveille tout à coup comme en sursaut pour dire au théologien :

« Croyez-vous que Saint Augustin eut plus d’esprit que Rabelais ? »

Quelque temps interdit, le docteur le regarda de la tête aux pieds et finit par répondre :

— « Prenez garde, M. de La Fontaine, vous avez mis un de vos bas à l’envers ; » ce qui était vrai.

Un autre jour, La Fontaine soupait avec Racine, Despréaux, Molière et Descoteaux, le joueur de flûte. La Fontaine était ce jour là, plus qu’à l’ordinaire, plongé dans ses distractions. Racine et Boileau, pour le tirer de sa léthargie, mais sans pouvoir y réussir, ne lui ménagèrent point les épigrammes au point que