Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus grand honneur à Joseph de Maistre, qui du reste, joignait, chose malheureusement rare et très-rare, joignait, à la plus haute intelligence, à ces dons merveilleux du génie, toutes les grandes qualités du cœur, la bonté, la tendresse, pleine d’expansion, la généreuse confiance, l’absolu dévouement, et la fidélité à tous les devoirs même les plus humbles. La publication posthume de sa correspondance, faite par sa famille à laquelle son souvenir est resté si cher, nous en fournit de nombreuses preuves. Dans ces admirables lettres, de Maistre se peint tout entier et sans y songer assurément. Or ce grand homme comme il est bon homme ! Ce terrible génie, dont certains critiques nous font une peinture si menaçante, comme il est doux, affectueux, caressant, dévoué ! Comme il aime ses amis, ses parents, sa femme, ses enfants ! Quels mots touchants tombés de sa plume ou plutôt de son cœur sur le papier souvent mouillé de ses larmes ! « Nul ne sait ce que c’est que la guerre s’il n’y a pas son fils ! » Et à propos de sa fille : « Oh ! si un honnête homme voulait se contenter du bonheur ! » Avec quelle énergie bien qu’il s’efforce de comprimer le cri de son cœur, avec quelle poignante énergie, il nous dépeint les tortures de cette séparation inouïe qui l’exile, pendant tant d’années, sous les glaces du pôle, à 800 lieues de sa famille, objet incessant de toutes ses pensées, la nuit comme le jour ! Qui ne comprendrait les cruelles insomnies de « ce père vivant d’une fille orpheline, » grande personne déjà et qu’il ne connaît que de nom parce qu’il lui fallut quitter la mère peu de mois avant la naissance. Se vit-il jamais une situation plus douloureuse ? Pourtant s’il fléchit par instants sous le poids de l’é-