Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/160

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décret de mort : il était dans l’obscurité, le dos tourné à une lampe placée sur la cheminée, les coudes appuyés sur la table, le visage couvert de ses mains. Le bruit que je fis le tira de sa méditation ; il me fixa, se leva et me dit :

» Depuis deux heures, je suis occupé à rechercher si, dans le cours de mon règne, j’ai pu mériter de mes sujets le plus léger reproche. Eh bien ! monsieur de Maleshesbes, je vous le jure dans toute la vérité de mon cœur, comme un homme qui va paraître devant Dieu, j’ai constamment voulu le bonheur du peuple, et jamais je n’ai formé un vœu qui lui fût contraire. »

» Je revis encore une fois cet infortuné monarque : deux officiers municipaux se tenaient debout à ses côtés ; il était debout aussi et lisait. L’un des officiers municipaux me dit :

« — Causez avec lui, nous n’écouterons pas. »

« Alors j’assurai le roi que le prêtre qu’il avait désiré allait venir. Il m’embrassa et me dit :

» La mort ne m’eftraie pas, et j’ai la plus grande confiance dans la miséricorde de Dieu. »

Le lendemain soir, c’est-à-dire quelques heures après l’exécution, Malesherbes recevait, dans quels sentiments, il n’est pas besoin de le dire, la visite de l’abbé Firmont, encore couvert du sang du roi-martyr, et qui lui apportait ses recommandations dernières et ses adieux. Au récit de cette mort sublime, Malesherbes se tut d’abord comme anéanti par la douleur ; puis son indignation fit explosion par des imprécations contre les auteurs de l’attentat et les fauteurs de la révolution ; et lui-même il ne s’épargnait pas, s’accusant d’avoir,