Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/161

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par de malheureuses illusions, aidé à la réalisation de leurs projets. Il n’avait pas, d’ailleurs, attendu ce moment pour ouvrir les yeux.

La secte révolutionnaire ne pouvait lui pardonner ses remords et son repentir attesté d’une façon si solennelle. Dans les premiers jours du mois de décembre 1793, trois membres d’un comité de Paris vinrent à la campagne de Malesherbes où l’illustre vieillard s’était retiré et enlevèrent sa fille et son gendre, M. de Rosambo. Le lendemain, d’autres agents parurent qui l’emmenèrent lui-même avec ses petits enfants. Séparé d’eux et conduit aux Madelonnettes, il eut, au bout de quelques jours, la douleur d’apprendre l’exécution de son gendre, M. de Rosambo, qu’en vain il avait espéré sauver.

Il ne devait pas longtemps lui survivre ; traduit à son tour devant le tribunal révolutionnaire, il fut condamné pour des crimes imaginaires, absurdement prouvés selon l’usage, avec sa fille, sa petite-fille et le mari de celle-ci, M. de Chateaubriand l’aîné. Malesherbes entendit avec calme l’arrêt qui le frappait et sa fermeté ne l’abandonna pas en face du supplice. « Il marcha à la mort, dit M. Weiss, avec une sérénité qui ne peut être comparée qu’à celle de Socrate… Son pied ayant rencontré une pierre lorsqu’il traversait la cour du palais, les mains liées derrière le dos, il dit à son voisin : « Voilà qui est d’un fâcheux augure ; à ma place un Romain serait rentré. »

On aime à espérer que son courage ne fut pas seulement la tranquillité stoïque du philosophe, mais qu’il se souvint à l’heure suprême des paroles de l’abbé de Fir-