Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/298

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sauve-garde à un sien ami, le sieur Vinot. Je ne sais comment cela est allé jusqu’à vous : j’en suis innocent. Je vous supplie d’excuser l’ignorance de ce pauvre garçon insensé de la peur que lui et beaucoup d’autres ont des armes françaises qui, si elles venaient à paraître ici près, on trouverait plusieurs morts sans blessures. »

Si, dans cette lettre, l’artiste fait preuve d’esprit et de sens, dans une autre au même, il montre comment la juste fierté et la franchise peuvent se concilier avec les égards dus à l’amitié. M. de Chantelou, ayant vu chez un autre amateur, M. Pointel, des tableaux de Poussin qui lui semblaient préférables aux siens, eut la faiblesse d’en concevoir quelque jalousie, et le tort plus grand d’en écrire à Poussin dans des termes dont celui-ci eût pu être blessé. L’artiste répond en termes dignes, mais sans aucune amertume : « Il est aisé pour moi de repousser le soupçon que vous avez que je vous honore moins que quelques autres personnes et que j’ai moins d’attachement pour vous que pour elles… Je n’en veux pas dire davantage ; il faudrait sortir des termes de l’attachement que je vous ai voué. Croyez certainement que j’ai fait pour vous ce que je ne ferais pour personne vivante, et que je persévère toujours dans la volonté de vous servir de tout mon cœur. Je ne suis point homme léger ni changeant d’affections ; quand je les ai mises en un sujet, c’est pour toujours. Si le tableau de Moïse trouvé dans les eaux du Nil, que possède M. Pointel, vous a charmé lorsque vous l’avez vu, est-ce un témoignage pour cela que je l’ai fait avec plus d’amour que les autres ? Ne voyez-vous pas bien que c’est la nature