Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/311

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il les eût copiés plusieurs fois de suite, son coloris serait devenu meilleur, et il aurait profité des avantages que donne à un tableau un clair-obscur bien entendu. »

En regard de ce jugement, qui tempère les éloges précédents par trop de restrictions peut-être, mettons, comme correctif et comme contre-poids, celui d’un juge non moins compétent et que je cite volontiers, parce que dans son enthousiasme sincère vibre l’accent de la conviction, et que, quoique peintre, il se garde de l’admiration étroite et exclusive.

« On pourrait le comparer à Turenne ; l’un fut peintre, comme l’autre fut général : tous les deux, profonds dans leur art, durent leur talent et leur renommée à de longs travaux et à de longues années ; tous les deux, dédaignant la fortune, n’eurent jamais pour objet qu’une gloire plus solide que brillante ; ils se ressemblent même par la figure : un air de simplicité, je ne sais quoi d’austère et de bon fait le caractère de leur physionomie.

« Le Poussin est le plus sage des peintres, et sans contredit un des plus savants : ses tableaux sont remplis de pensées ; et plus on a de dignité et d’élévation dans l’âme, mieux on sent ses idées et plus elles en font naître de nouvelles… Souvent il a joint à la beauté, à la grandeur, une sorte de grâce sage et sévère, qui ne porte point les sens vers la volupté, mais qui plaît beaucoup à l’âme. Ses femmes ont toujours un air d’élévation et de vertu qui attache, inspire le respect, mais qui ne charme pas.

« … Eh ! qui prouve comme lui que l’âme seule a place au premier rang dans la peinture ? Qui prouve