Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/330

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Le même Boileau disait, à propos des sentiments religieux que Racine avait toujours gardés profondément gravés au fond du cœur et qui « le retinrent contre ses penchants dans les temps même les plus impétueux de sa jeunesse :

« La raison conduit ordinairement les autres à la foi ; c’est la foi qui a conduit M. Racine à la raison. »

Après la disgrâce de Racine, le roi défendit à Mme de Maintenon de le recevoir, mais celle-ci, l’ayant aperçu un jour dans les jardins de Versailles, s’écarta de sa suite et gagna une allée solitaire où le poète averti vint la rejoindre. Dès qu’il l’aborda d’un air profondément triste et découragé, elle lui dit :

« Pourquoi vous laisser abattre ? Ne suis-je pas la cause de votre malheur ? Il est de mon intérêt comme de mon honneur de réparer le mal que j’ai fait. Votre fortune devient la mienne. Laissez passer ce nuage, je ramènerai le beau temps.

— Non, non, madame, répondit le poète, jamais vous ne le ramènerez pour moi.

— Et pourquoi donc ? Chassez de telles pensées. Doutez-vous de mon cœur ou de mon crédit ?

— Non assurément, madame, je sais quel est votre crédit et les bontés que vous avez pour moi : mais j’ai une tante qui m’aime d’une façon bien différente. Cette sainte fille demande tous les jours à Dieu pour moi des disgrâces, des humiliations, des sujets de pénitence, et elle aura plus de crédit que vous encore.

À ce moment, on entendit, à quelque distance dans une allée, un piétinement de chevaux.