Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/342

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15 juin 1692.

« … Les ennemis ne soutinrent point, on en tua bien quatre ou cinq cents, entre autres un capitaine espagnol, fils d’un grand d’Espagne, qu’on nomme le comte de Lèmos. Celui qui le tua était un des grenadiers à cheval nommé Sans-Raison. Voilà un vrai nom de grenadier. L’Espagnol lui demanda quartier, et lui promit cent pistoles, lui montrant même sa bourse où il y en avait trente-cinq. Le grenadier, qui venait de voir tuer le lieutenant de sa compagnie, qui était un fort brave homme, ne voulut point faire de quartier et tua son Espagnol. Les ennemis envoyèrent demander le corps, qui leur fut rendu, et le grenadier Sans-Raison rendit aussi les trente-cinq pistoles qu’il avait prises au mort en disant :

— Tenez, voilà son argent dont je ne veux point ; les grenadiers ne mettent la main sur les gens que pour les tuer.

« Vous ne trouverez point peut-être ces détails dans les relations que vous lirez ; et je m’assure que vous les aimerez bien autant qu’une supputation exacte du nom des bataillons et de chaque compagnie des gens détachés, ce que M. l’abbé Dangeau ne manquerait pas de rechercher très curieusement,

« Je vous ai parlé du lieutenant de la compagnie qui fut tué, et dont Sans-Raison vengea la mort. Vous ne serez peut-être pas fâché de savoir qu’on lui trouva un cilice sur le corps. Il était d’une piété singulière et avait même fait ses dévotions le jour d’auparavant. Res-