Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire un artiste, tu feras un excellent marchand. Va déjeuner, ta mère t’attend.

Et le jeune homme sortit.

Quelles leçons d’un père à son fils, s’il est vrai, s’il est possible que Rembrandt n’ait pas reculé devant ces tristes moyens de spéculation !

Son imagination du reste était féconde en expédients pour faire hausser le prix de sa marchandise, malgré l’abondance des produits. Ainsi, pour tenir en éveil la curiosité des amateurs, il variait à l’infini, comme nous l’avons dit, le caractère de ses planches. Quelques-unes aussi sont datées de Venise qu’il n’avait pas vue, à ce qu’on croit. Sans cesse, il annonçait son départ, menaçant de quitter sa patrie pour un motif ou pour un autre, et les amateurs aussitôt d’accourir et d’acheter coûte que coûte.

Mais il s’avisa d’un stratagème bien autrement étrange et digne de l’Israélite le plus retors. Après quelques jours d’une absence apparente, tout à coup une triste nouvelle circule dans La Haye et consterne les amateurs.

— Rembrandt est mort, répète-t-on de tous côtés.

— Est-il vrai ?

— Trop vrai ! on le tient de sa femme elle-même ! Un malheur immense pour l’art ! car, dans la force de l’âge et à l’apogée de son talent, quels chefs-d’œuvre il nous promettait encore ! Laisse-t-il quelques tableaux ?

— Quelques-uns sans doute et des gravures. Mais les amateurs ne manqueront pas et je crois qu’on fera bien de se presser.