Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/366

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vérité saisissante, les Philosophes, par exemple, il épaissit quelquefois tellement les ombres que les personnages s’en dégagent à peine, ainsi les pèlerins d’Emmaüs. Puis, les qualités d’un ordre supérieur, la noblesse des formes comme celle de la pensée manquent trop chez Rembrandt. Les expressions sont vives, profondes, originales ; on sent dans les personnages, avec un souffle de vie énergique, je ne sais quelle mystérieuse poésie, grâce à cette atmosphère vague, à la fois éblouissante et sombre, dans laquelle flottent les figures ; mais l’âme vulgaire du peintre semble se refléter dans son œuvre par le dédain des formes épurées, par le mépris de toute élégance, par la préférence du modèle trivial, même pour les types les plus saints et les plus augustes. Voyez son Christ dans les pèlerins d’Emmaüs. Et le bon Samaritain dans ce tableau qu’un artiste de nos amis qualifie avec esprit : une scène de maréchal-ferrant ! Quoi de plus grotesque que l’énorme turban dont s’est coiffé le principal personnage au profil si peu noble ! Dans les costumes, au reste, la bizarrerie de Rembrandt tourne souvent à la mascarade, mais tout passe grâce aux sorcelleries de son pinceau. On sait que le grand artiste ne se piquait pas de draper à la romaine. Il avait dans ses armoires de vieilles bardes, des armures rouillées, des débris en tous genres et il appelait par moquerie toute cette friperie : Mes Antiques. On regrette, dans les plus merveilleux chefs-d’œuvre, les écarts de son mauvais goût. Ainsi, dans la délicieuse petite toile du grand salon au Louvre, cette perle des perles, et dont l’œil ne se détache jamais sans effort, une des figures fait véritablement tache par sa difformité. Et pourtant devant