Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/372

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se place en dehors de toute tradition, supprime, ajoute, invente comme il lui plaît tels ou tels personnages, prête à ceux-ci des attitudes, à ceux-là des costumes grotesques, toujours de fantaisie. Le spectateur est dérouté. Qu’a-t-il devant les yeux ? ce petit homme souffreteux, d’un type si misérable, d’une expression si basse ; est-ce donc le divin Sauveur ? Ces rustres, ces bohémiens déguenillés, sont-ce les saints Apôtres ? Et faut-il voir le groupe des saintes femmes dans ces disgracieuses commères ? »

Après de telles prémisses, critique trop motivée, qui pourrait s’attendre à cette conclusion si hasardée, si étrange et que nous ne saurions accepter malgré notre estime pour un tel juge :

« Ne vous rebutez pas ! sous ces travestissements il y a je ne sais quoi de touchant, de profond, d’onctueux, de tendre. Que ce Samaritain est charitable ! Que cet enfant prodigue est repentant ! Que ce père lui ouvre bien son cœur ! Que de compassion, que de larmes, dans ces gestes, dans ces mouvements, surtout dans ces jets de lumière ! (Ceci nous semble un peu singulier, et même pour nous tourne au logogriphe !)

« Pour peu qu’on pénètre au-delà de cette écorce inculte, presque difforme, qui trop souvent nous cache ses pensées, on découvre en lui la puissance et parfois les éclairs d’un Shakespeare. Si, dans les sujets religieux, il trouble nos habitudes, s’il déconcerte nos souvenirs en s’abaissant au trivial, que de fois il s’élance et nous entraîne au pathétique ! Seulement, c’est toujours son grand moyen d’effet, c’est-à-dire la lumière qui produit chez lui l’expression. »