Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/409

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« Laissez, laissez, crient à l’envi les insurgés, que nous l’emmenions pour le fusiller dans la rue ; lui qui a versé le sang de ses frères, il recevra la peine de son crime ! »

Et malgré les supplications et les efforts des bonnes sœurs, le cercle se resserrant de plus en plus autour d’elles, le prisonnier allait leur être arraché lorsque la sœur Rosalie, se jetant à genoux, s’écrie dans un sublime élan :

« Voilà cinquante ans que je vous consacre ma vie ; pour tout le bien que j’ai fait à vous, à vos femmes, à vos enfants, je vous demande la vie de cet homme. »

À ce spectacle, à ce cri parti du cœur, les fusils qui menaçaient l’infortuné se relèvent, des larmes d’attendrissement et de pitié coulent sur ces visages tout à l’heure si farouches et le mot de : pardon, pardon ! s’échappe de toutes les bouches. Le prisonnier est sauvé.

Mais quelques jours après, les rôles étant changés, c’est en faveur d’un malheureux insurgé que la sœur Rosalie déploie son zèle. Entre les prisonniers de juin se trouvait un ouvrier du quartier, jusque-là fort paisible, mais entraîné comme tant d’autres dans la révolte par de perfides conseils et que menaçait une condamnation terrible. Sa fille, une gentille enfant de cinq à six ans, fréquentait l’école des sœurs. Sur ces entrefaites, le général Cavaignac vint voir la sœur Rosalie sans doute pour la remercier des soins donnés par elle et ses religieuses aux blessés. La supérieure conduit le général dans l’école, et appelant alors la petite fille, elle lui dit :