Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/148

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réserve de ma conscience, qu’il n’est pas de raison au monde qui puisse primer la raison d’humanité. Je vous avouerai autre chose. En face du problème juif, je sens l’écume des mêmes persistances ataviques. Qu’il est malaisé, mon Dieu ! de dépouiller l’homme artificiel que des siècles de préjugés menteurs ont fait de chacun de nous ! Je condamne en moi ces bavures d’antisémitisme ; mais je les sens si tenaces qu’en présence d’un juif, j’appréhende toujours qu’il ne les découvre dans ma vilaine âme ; alors je me fais pour lui plus accueillant, plus empressé que je ne serais pour quelque autre, afin de me convaincre moi-même que je me suis, une fois de plus, vaincu. C’est très curieux, n’est-ce pas ?

Et il rit tout à fait.

Quelques semaines auparavant, le Temps avait publié une lettre ouverte de M. Jules Claretie, où celui-ci, s’adressant à Tolstoï, lui demandait s’il n’était pas affligé de constater, par l’événement de la guerre japonaise, la faillite de la pacifique prédication à laquelle il a dédié sa vie. Je songeai