Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Or, sa maîtresse et lui s’écrivaient tous les jours, qu’ils se fussent ou non rencontrés déjà, par cette prodigalité de cœur des nouveaux amants, qui ne savent de quelle manière se donner l’un à l’autre davantage. Hubert parvenait souvent à éviter que sa mère ne vît ces lettres, en convenant bien exactement de l’heure où Thérèse mettrait son billet à la poste, et il se hâtait de descendre de chez lui à temps pour prendre le courrier lui-même aux mains du concierge. Souvent aussi la lettre arrivait inexactement, et il fallait qu’elle passât par celles de Mme Liauran. Cette dernière ne s’y trompait jamais. Elle reconnaissait l’écriture, pour elle la plus haïssable qui fût au monde. Souvent encore Thérèse envoyait, au lieu d’une lettre, une de ces petites dépêches bleues qui vont si vite, et la sensation que ce papier avait été manié, une heure auparavant, par les doigts de la maîtresse de son fils était intolérable à la pauvre femme. Afin d’éviter à Hubert des ruses déshonorantes, et à elle-même une horrible palpitation du cœur, elle prit le parti de donner l’ordre que les lettres de son fils lui fussent remises directement. Mais alors elle perdit les seuls signes qu’elle eût de la réalité des relations du jeune homme et de Mme de Sauve, et cela fut une source de nouvelles espérances, par suite, de nouvelles désillusions.