Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/142

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jour, et, comme il avait dès lors pris l’habitude douce de lui ouvrir tout son cœur, il se dit qu’il avait un moyen assuré d’éloigner pour toujours cette mauvaise vision. Il fallait simplement voir Thérèse et tout lui dire. D’abord, c’était la prévenir d’une calomnie à laquelle elle avait à couper court aussitôt. Puis il sentait qu’un seul mot sorti de la bouche de cette femme dissiperait immédiatement jusqu’à l’ombre de l’inquiétude dans sa pensée, il entra dans un bureau de poste et griffonna sur le papier bleu d’une petite dépêche pneumatique : « Mardi, cinq heures. — L’ami est triste et ne peut se passer de son amie. Des méchants lui ont parlé d’elle en lui faisant mal. À qui dire tout cela, sinon à la chère confidente de toute douleur et de tout bonheur ? Peut-elle venir demain où elle sait, à dix heures, dans la matinée ? Qu’elle le puisse, et elle sera plus aimée encore, s’il est possible, de son H. L…, qui signifie par cette fin d’après-midi  : Horrible Lassitude. » C’est sur ce ton de puérilité tendre qu’il lui écrivait, avec la mignardise de mots où la passion dissimule souvent sa violence native. Il glissa la fine dépêche dans la boîte, et il fut étonné de se sentir redevenu presque paisible. Il avait agi, et la présence du réel avait chassé la vision.