Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toi, tu as tant d’années devant toi ! Mais jamais, jamais on ne t’aimera comme je t’aime, et jamais tu ne m’oublieras, jamais, jamais… » Et d’autres fois : « Tu te marieras, » disait-elle. « Elle vit pourtant, elle respire, et je ne la connais pas, celle qui doit te prendre à moi, celle qui dormira sur ton cœur, toutes les nuits, comme moi à Folkestone. Ah ! faut-il que je t’aie rencontré si tard et que je ne puisse te lier à mes baisers !… » Et elle lui entourait le cou avec les tresses défaites de ses longs cheveux noirs. Elle avait repris l’habitude qu’elle avait eue, jeune fille, de se coiffer elle-même, afin qu’il pût manier librement ces beaux cheveux. Puis, quand elle s’était ainsi recoiffée toute seule, qu’elle s’était habillée et voilée, elle revenait auprès de lui, ne voulant pas lui dire adieu ailleurs que dans la chambre mystérieuse où ils s’étaient aimés, et aucune sensation n’était plus forte pour Hubert, elle le comprenait aux palpitations de son cœur, que ce baiser d’adieu qu’elle lui donnait avec des lèvres presque froides. Elle s’en allait, en proie à une tristesse sans nom, mais qu’elle disait du moins à son ami. Car elle ne lui disait pas toutes ses tristesses. Elle était mariée, et, quoiqu’elle eût de tout temps possédé sa chambre à elle, il fallait qu’elle y reçût quelquefois son mari. Hélas ! il le