Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

était d’ailleurs attaché depuis longtemps. La plus âgée, Mme Marie-Alice Castel, était la veuve de son premier protecteur, du capitaine Hubert Castel, tué à ses côtés en Algérie, quand il n’était encore, lui, Scilly, que simple sergent. La seconde, Mme Marie-Alice Liauran, était veuve de son plus cher protégé, du capitaine Alfred Liauran, tué en Italie. Toutes les personnes qui ont un peu étudié le caractère du vieux garçon et du vieil officier — cela fait comme deux célibats l’un sur l’autre — comprendront, au simple énoncé de ces faits, quelle place cette mère et cette fille occupaient dans l’existence du général. Chaque fois qu’il sortait de chez elles, et durant le temps que mettait sa voiture à le ramener chez lui, son unique préoccupation était de revenir sur les moindres incidents de sa visite, — et ce temps était long, car le général habitait, au quai d’Orléans, le rez-de-chaussée d’une antique maison, léguée précisément par sa cousine. La voiture n’allait pas vite : elle était attelée d’un ancien cheval de régiment, très âgé, très doux, débonnairement conduit par un ancien soldat d’ordonnance, le fidèle Bertrand, qui n’aurait pas fouetté la bête pour un tonneau d’eau-de-vie de marc, sa boisson favorite. Le véhicule lui-même ne roulait pas