Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/196

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Hubert ne put s’empêcher de sourire du piteux résultat de sa curiosité. Machinalement, il entra, lui aussi, dans le restaurant. Le jeune comte était assis déjà devant une table, avec deux amis qui l’avaient attendu. À une autre extrémité de la salle, une seule table était libre, à laquelle Hubert prit place. Il pouvait de là, non pas entendre la conversation des trois convives, — le bruit du restaurant était trop fort, — mais étudier la physionomie de l’homme qu’il détestait. Il commanda au hasard son propre repas et s’abîma dans une sorte d’analyse que connaissent bien les observateurs de goût et de profession, ceux qui entrent dans un théâtre, un estaminet, un wagon, avec le seul désir de voir fonctionner des physiologies humaines, de suivre dans des gestes et des regards, dans des bruits de souffle et dans des attitudes, les instinctives manifestations des tempéraments. Par instant, un éclat de voix apportait à Hubert quelque lambeau de phrase. Il n’y prenait pas garde, abîmé dans la contemplation de l’homme lui-même, qu’il voyait presque en face, avec ses yeux hardis, son cou un peu court, ses fortes mâchoires. La Croix-Firmin était entré le teint battu et couperosé ; mais, dès la première moitié du déjeuner, le travail de la digestion commença de lui pousser à