Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comte Scilly s’augmentait d’une autre dureté, celle de la signification de ses paroles. Elles mettaient à nu, brutalement, une plaie vive. Hubert s’assit comme brisé ; puis il répondit d’une voix qui, un peu voilée par nature, s’assourdissait encore à cette minute, sans essayer même de nier qu’il fût la cause du chagrin des deux femmes :

— « Ne m’interrogez pas, mon parrain ; je vous donne ma parole d’honneur que je ne suis pas coupable. Seulement, je ne peux pas vous expliquer le malentendu qui fait que je leur suis un objet de peine. Je ne le peux pas… Je suis sorti plus souvent que d’habitude, et c’est là mon seul crime… »

— « Tu ne me dis pas ; toute la vérité, »répliqua Scilly, adouci, bien qu’il en eût, par l’évidente douleur du jeune homme. « Ta mère et ta grand-mère te veulent par trop dans leurs jupons. Cela, je l’ai toujours pensé. On t’aurait élevé plus rudement si j’avais été ton père. Les femmes ne s’entendent pas à former un homme… Mais, depuis deux ans, est-ce qu’elles ne te poussent pas à fréquenter le monde ? Ce ne sont donc pas tes sorties qui leur font de la peine, c’est leur motif… » En prononçant cette phrase, qu’il considérait comme très habile, le comte regardait son filleul à travers la fumée d’une petite pipe de bois de