Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/43

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bruyère qu’il venait d’allumer, — machinale habitude qui expliquait suffisamment l’acre atmosphère dont la chambre était saturée. Il vit les joues d’Hubert se colorer d’un soudain afflux de sang qui eût été, pour un observateur plus perspicace, un indéniable aveu. Il n’y a qu’une allusion, ou la crainte d’une allusion, sur une femme aimée qui ait le pouvoir de tant troubler un jeune homme aussi évidemment pur. Celui-ci appréhenda sans doute de s’être trahi, car il fut plus embarrassé encore pour répondre :

— « Je vous affirme, mon parrain, qu’il n’y a dans ma conduite rien dont je doive avoir honte. C’est la première fois que ni ma mère ni ma grand’-mère ne me comprennent.. Mais je ne leur céderai pas sur le point où nous sommes en lutte. Elles y sont injustes, affreusement injustes… » continua-t-il en se levant et faisant quelques pas. Cette fois, son visage exprimait non plus la souffrance, mais l’orgueil indomptable que l’atavisme militaire avait mis dans son sang. Il ne laissa pas au général le temps de relever des paroles qui, dans sa bouche de fils ordinairement très soumis, décelaient une extraordinaire intensité de passion. Il contracta son sourcil, secoua la tête comme pour chasser une obsédante idée, et, redevenu maître de lui :