Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/61

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d’une atmosphère, avec une sorte de délice inconscient. L’absence complète d’ironie qui distinguait Thérèse et se reconnaissait à son lent sourire, à son calme regard, à sa voix égale, à ses gestes tranquilles, lui avait été aussitôt une douceur. Il n’avait pas senti devant elle ces angoisses de la timidité douloureuse que le coup d’œil incisif de la plupart des Parisiennes inflige aux très jeunes gens. Durant le trajet qu’ils avaient fait ensemble, lui placé en face d’elle, et tandis qu’André de Sauve et George Liauran parlaient d’une loi sur les congrégations religieuses dont la teneur remuait alors tous les partis, il avait pu causer avec Thérèse longuement et, sans qu’il comprit pourquoi, intimement. Lui qui se taisait d’ordinaire sur lui-même, avec l’obscure idée que l’excitabilité presque folle de son être faisait de lui une exception sans analogue, il s’était ouvert à cette femme de vingt-cinq ans, et qu’il connaissait depuis une demi-heure, plus que cela ne lui était jamais arrivé avec des personnes chez lesquelles il dînait tous les quinze jours. À propos d’une question de Thérèse sur ses voyages de l’été, il avait comme naturellement parlé de sa mère malade, puis de sa grand’mère, puis de leur vie en commun. Il avait entre-bâillé pour cette étrangère le secret asile de l’hôtel de la rue Vaneau, —